"Conforme", à condition de muscler les garanties de protection des libertés, et d'évaluer régulièrement son utilité : tel est l'avis rendu par la Cnil, dimanche, sur l'application de traçage numérique Stop Covid. Et la commission n'est pas la seule à mettre en garde sur le risque de non-respect des libertés individuelles.
Le Défenseur des droits Jacques Toubon, invité du journal de la mi-journée sur Europe 1, se préoccupe particulièrement de l'avenir des données qui seront rentrées dans l'application. "Que deviendront les données, pas seulement dans la période durant laquelle l'application va être disponible, mais après ?", s'interroge-t-il, craignant qu'un fichage se mette en place et mène à des discriminations, notamment à l'embauche. "Il faudra que (ces données) disparaissent", alerte-t-il.
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"C'est toute la question de ce que nous faisons de nos données"
Ce dispositif gouvernemental doit permettre, lors du déconfinement, de répertorier les contacts avec des malades du coronavirus. L'application, inspirée de stratégies déployées par Singapour notamment, doit alerter les personnes l'ayant téléchargée quand elles ont côtoyé, par exemple dans un train ou un métro, des personnes diagnostiquées positives au Covid-19, et elles-mêmes équipées.
"Derrière cette application, qui doit être mise en oeuvre de manière extrêmement scrupuleuse, c'est toute la question de ce que nous faisons de nos données. Cette application nous conduira à nous interroger au-delà du respect de la protection des données, sur ces systèmes qui font que toutes ces données sont en circulation et peuvent être utilisées au delà du consentement", recommande-t-il, déclarant partager l'avis rendu par la Cnil, un "avis sage", selon lui.
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Par ailleurs, selon le Défenseur des droits, "il faudra naturellement que, si on met en place cette application, cela fasse l'objet d'un texte. Cela ne peut pas se faire simplement par une mesure technique". Et, "il faut qu'elle soit naturellement intégrée à beaucoup d'autres mesures qui, dans notre système de santé, permettront de vérifier la situation, l'évolution et par exemple de faire des enquêtes, manuelles, comme certaines sont en cours ou qui ont été faites dans les régions où il y a eu les premières infections", ajoute-t-il. Jacques Toubon insiste également sur la nécessité que l'application repose sur le volontariat, "sinon, ce serait dérogatoire à la directive sur la vie privée".
La Cnil demande "certaines garanties supplémentaires"
La Cnil, l'organisme veillant au respect des libertés dans le domaine numérique, a de son côté demandé que "certaines conditions" soient respectées. Selon l'instance, "StopCovid" respecte bien le Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui encadre en Europe la collecte, la conservation et le partage des données personnelles. Mais la Cnil "demande certaines garanties supplémentaires" et veut "pouvoir se prononcer à nouveau après la tenue du débat au Parlement".
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Parmi les garanties allant dans le bon sens, selon la Cnil : le volontariat, et l'utilisation de pseudonymes. L'organisme demande que le téléchargement puisse se faire sans "conséquence négative en cas de non-utilisation". Pas question de refuser un test ou un billet de train à une personne qui refuserait d'utiliser l'application, en clair. La Cnil énumère aussi une série de suggestions techniques. Elle souligne en particulier que l'algorithme envisagé à ce stade par le gouvernement "ne devrait plus être utilisé".
La Cnil relève que l'efficacité de StopCovid dépendra "de sa disponibilité dans les magasins d'application (appstore, playstore…), d'une large adoption par le public". Et ce au moment où seuls 39% des Français ont confiance dans le gouvernement pour faire face efficacement au coronavirus, selon un sondage Ifop pour le Journal du dimanche.