Julia était déjà mère de deux enfants quand, il y a trois ans, elle a appris qu'elle était enceinte de triplés. À Olivier Delacroix, mercredi sur Europe 1, elle raconte sa grossesse, son accouchement, sa nouvelle vie de mère de cinq enfants, et l'impact que tout cela a eu sur sa vie de couple.
"J'ai su que j'étais enceinte de triplés à la première échographie, donc à trois mois de grossesse. Ma première pensée a été : comment on va faire ? Avec mon mari, on alternait entre le rire nerveux et les larmes. Il y avait beaucoup d'angoisse au départ. On n'a aucune réponse, c'est la vie qui décide pour vous. On arrive dans l'inconnu.
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À partir du moment où on a décidé de conduire cette grossesse, que les tests ADN étaient bons, et que tout le monde allait bien, je n'ai pas ressenti le besoin d'avoir une aide psychologique. En revanche, le soutien médical était très présent. Moi, j'avais des jumeaux monozygotes, donc de vrais jumeaux, et c'était une grossesse à risque : j'avais donc une échographie tous les quinze jours. Au départ, c'est vrai que personne ne pouvait répondre à mes questions, que ce soit l'hôpital, ma gynécologue… J'ai eu un mois de flottement. Heureusement, après, j'ai pris contact avec l'association "Jumeaux et +", où j'ai pu enfin avoir des réponses. Mais avant ça, j'avais de gros moments de stress, je ne dormais plus la nuit. Beaucoup de professionnels n'ont pas la connaissance de ce type de grossesse, donc on se sent un peu seule.
Ma grossesse s'est bien passée jusqu'au sixième mois. Là, j'ai eu une alerte pour laquelle j'ai été hospitalisée deux jours. Mais c'est surtout le dernier mois qui a été compliqué, car j'ai enchaîné de l'asthme, un dérèglement du foie… Des problèmes auxquels s'ajoutait le poids du ventre. Mais sinon, j'ai été relativement chanceuse car je n'ai pas été alitée. J'ai eu une obstétricienne spécialisée dans les grossesses multiples, et c'est elle qui a commencé à nous préparer, à insister pour que l'on ait de l'aide après la naissance des bébés.
La naissance s'est passée différemment de ce qui était prévu, puisque j'ai eu une césarienne en urgence. Normalement, je devais accoucher par voie basse, car j'avais déjà eu deux enfants et mes bébés n'étaient pas très gros. Finalement, le plus petit des triplés faisait des arythmies cardiaques. Un jour où j'allais faire des examens de routine à l'hôpital, les médecins ont décidé de me déclencher. J'en étais à sept mois de grossesse, donc à 34 semaines d'aménorrhée.
Comparé à mes deux accouchements précédents, j'ai vécu ça de manière très brutale. Je pense qu'il y avait au moins seize personnes dans la salle, tout était cadré. C'était un ballet de sages-femmes, d'anesthésistes, de pédiatres… Je n'ai pas très bien supporté la césarienne, donc ça a été pas mal de stress, sans comprendre ce qui se passait vraiment autour de moi car j'étais shootée. Quand ils sont sortis, deux bébés ont fait une détresse respiratoire, donc ils sont partis très vite. Un autre a dû être transféré parce que l'hôpital n'avait pas assez de place en néonatalité.
Ce n'était pas un accouchement serein, où on accueille le bébé avec le papa. Non. Moi, mon mari est parti tout de suite avec les bébés. Je me suis retrouvée toute seule, d'un coup. J'ai trouvé ça violent.
Au retour à la maison, avec trois bébés qui mangent toutes les trois heures, on est obligés d'être hyper organisés. On avait un rythme un peu militaire, avec un tableau de bord. On notait tout : les biberons, les changes, les vitamines… Rien n'était laissé au hasard. Il n'y avait pas de biberons à la demande. Tous les bébés étaient calés à la même heure, sinon on ne se reposait jamais. Toute aide est bienvenue, que ce soit quelqu'un qui vient donner un biberon, apporter un repas, vider le lave-vaisselle, faire une lessive…
J'arrivais un petit peu à dormir, par roulements. Mon mari a été en congé le mois qui a suivi leur arrivée à la maison. Ensuite, on a pris des aides de nuit deux fois par semaine. Ça me parait indispensable pour récupérer. Là, on pouvait dormir 7 heures parce qu'on faisait confiance à la personne, et ça nous permettait de tenir dans la semaine. On se disait : 'Dans deux jours, on va pouvoir dormir !'
Le couple souffre forcément du manque de temps et de la fatigue. Avec cinq enfants, dont des triplés, le rythme est super intense. On essaie de prendre du temps pour chacun, d'avoir des dîners et des week-ends avec nos propres amis, comme ça l'autre peut gérer les enfants pendant ce temps, en alternance. Mais pour l'instant, on n'a pas réussi à confier les cinq enfants d'un coup. Donc nos moments à deux restent très rares. Ce sont des soirées, des dîners où on peut les faire garder. Il faut être solide au niveau de son couple pour affronter ça ensemble."