Éric Dupond-Moretti, était en visite à la prison de Fleury-Mérogis mardi après-midi, officiellement pour annoncer la création de 15.000 places de prison supplémentaires en France. Le garde des Sceaux s'est surtout exprimé pour la première fois sur la polémique autour de Koh Lantess, cet événement sportif organisé fin juillet au centre pénitentiaire de Fresnes. Il affirme qu'il n'était pas au courant qu'une course de karting allait être organisée au sein même de la prison. Le ministre de la Justice a réclamé dès ce week-end l'ouverture d'une enquête. Europe 1 a eu accès au rapport de l'enquête : que dit-il exactement ?
Le directeur pointé du doigt
C'est un rapport de neuf pages. L'enseignement principal, c'est qu'il pointe au premier chef des responsabilités, celle du directeur de la prison de Fresnes. Il a validé le projet "dès la fin du mois de juin 2022", précise le rapport. Lui-même reconnaît une erreur d'appréciation. Il était d'ailleurs en congés annuels lors des réunions de préparation de l'événement.
Par ailleurs, le directeur interrégional, son supérieur hiérarchique direct, a eu connaissance trop tard de l'existence de l'événement, dit-il, le 21 juillet. Selon le rapport, il avait fait part de sa désapprobation quatre jours plus tard, mais compte tenu de l'organisation déjà engagée, l'événement n'avait pas pu être annulé.
Ni la chancellerie, encore moins le cabinet du ministre, n'était au courant de ce concours sportif, selon ce rapport, en tout cas pas dans les détails, notamment s'agissant de l'épreuve de karting et du bassin d'eau.
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Quid du financement
De nombreuses questions ont été soulevées suite à l'organisation de Koh Lantess, tout particulièrement celle du financement. "Le coût de l'événement a été intégralement pris en charge par l'association Unitess", responsable de l'organisation.
Ainsi, "l'administration pénitentiaire n'a pas financé le projet", assure le rapport. En revanche, "l'établissement a simplement financé les prix remis aux termes des épreuves consistant en des dons modiques au profit des associations sélectionnées par les équipes". Au total, 2.700 euros ont été engagés.
Sélection des prisonniers
Autre interrogation : la sélection des prisonniers ayant participé au projet. Deux d'entre eux ont été condamnés pour viol et meurtre. Onze détenus ont été sélectionnés selon plusieurs critères : condamnés définitivement uniquement, purgeant de courtes peines ("à l'exception de deux d'entre eux"), s'investissant en détention (quatre d'entre eux préparent des diplômes), et des "détenus dont l'évolution du comportement en détention a été considérée comme positive par les équipes".
Le rapport le pointe : "L'ensemble des détenus sélectionnés (...) ayant fait l'objet d'une évaluation par les équipes correspond à un mode opératoire tout à fait classique s'agissant d'une activité socio-culturelle ou sportive organisée en détention." Seize personnes détenues ont également assisté à l'événement.
Vers un meilleur circuit de validation
Le rapport d'enquête préconise, à travers une note, de clarifier le circuit de validation au sein du ministère. Les projets de réinsertion en prison devront désormais être soumis à la validation de l'administration pénitentiaire.
"On espère qu'avec ce rapport, ce sera la fin de la polémique", confie une source de la chancellerie à Europe 1. Tout semble donc pointer vers Jimmy Delliste, le directeur de la prison de Fresnes, qui souhaitait "réaliser une opération caritative basée sur l'effort et les valeurs du sport".
Reste à savoir s'il va être évincé : les syndicats de gardiens de prison ont réclamé sa tête à l'instant même où cette affaire a éclaté.