Inconnu il y a une semaine, le gendarme Arnaud Beltrame est célébré mercredi en "héros" par la France, qui lui rend un hommage national à Paris cinq jours après sa mort lors des attaques djihadistes dans l'Aude.
Un moment de concorde nationale. Plusieurs centaines de personnes sont attendues dans la cour de l'hôtel des Invalides où le président Emmanuel Macron prononcera l'éloge funèbre de cet officier de 44 ans qui "a fait le don de sa vie pour protéger nos concitoyens". Le temps d'une matinée, cette cérémonie mettra entre parenthèses la polémique sur la politique antiterroriste du gouvernement qui n'a cessé d'enfler depuis que Radouane Lakdim, un petit délinquant radicalisé, a tué vendredi quatre personnes à Carcassonne et Trèbes.
Qui sera présent à l'hommage ?
Les ténors de l'opposition les plus virulents, Laurent Wauquiez (LR) et Marine Le Pen (FN), seront présents aux Invalides aux côtés de l'ensemble du gouvernement et des anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande. Parmi les 400 personnes invitées figurent aussi les familles des victimes, tuées et blessées, ceux ayant vécu les événements, les maires de Carcassonne et Trèbes ainsi que les représentants des associations nationales de victimes. Le cercueil d'Arnaud Beltrame sera accompagné par 200 de ses frères d'armes, ces compagnons qui l'ont croisé au cours de sa brillante carrière dans l'armée et la gendarmerie.
Quel parcours suivra le cortège ?
Mardi soir, les gendarmes ont rendu un hommage intime à leur collègue dans une caserne parisienne où son cercueil avait été transporté après avoir quitté Carcassonne. "Je pense que c'est important d'avoir un moment entre nous pour lui dire au revoir", a confié un ancien collègue du colonel à Europe 1. "Je pense qu'on a tous été très émus et touchés par son sacrifice. C'est quelque chose de courageux." Dans l'enceinte de la caserne Tournon, des membres de la garde républicaine et quatre anciens combattants ont formé une haie d'honneur. "C'est un moment de respect pour le dévouement de quelqu'un", raconte l'un d'entre eux.
Mercredi, le cortège funéraire stationnera un quart d'heure, à 10 heures, devant le Panthéon, la nécropole laïque des "grands hommes" français, avant de traverser le quartier latin pour rejoindre les Invalides, accompagné de motards de la police et de la gendarmerie. Fait rare, le gros bourdon de la cathédrale Notre-Dame sonnera pendant le parcours du convoi funéraire. La cérémonie d'hommage commencera vers 11h30 dans la cour des Invalides. Ses obsèques seront célébrées jeudi à Ferrals, dans les Corbières, où il résidait avec son épouse.
Comment se déroulera la cérémonie des Invalides ?
Pendant 15 à 20 minutes, le président Macron prononcera un éloge funèbre dans lequel il saluera le courage du gendarme qui sera élevé au grade de commandeur de la Légion d'honneur, une mesure exceptionnelle et inédite. La sonnerie aux morts suivra puis une minute de silence. La Marseillaise sera ensuite interprétée par la garde républicaine.
La cérémonie sera retransmise en direct sur un écran géant installé à l'extérieur des Invalides. Elle sera également diffusée en direct par de nombreuses chaînes de télévision (France 2, TF1, BFMTV, LCI, franceinfo, CNews et TV5 Monde).
Le cercueil d'Arnaud Beltrame sera ensuite rapatrié dans le sud. Ses obsèques seront célébrées jeudi à Ferrals, dans les Corbières, où il résidait avec son épouse. Les trois autres victimes - Hervé Sosna, Jean Mazières et Christian Medves - seront également inhumées jeudi.
Qui était Arnaud Beltrame ?
Silhouette élancée et yeux clairs, Arnaud Beltrame était sorti major de l'Ecole militaire interarmes de Saint-Cyr Coëtquidan en 1999, avant de vivre de riches expériences dans une unité d'élite de parachutistes, en Irak, à la sécurité de l'Elysée et au commandement d'une compagnie en Normandie.
Arnaud Beltrame "se sentait intrinsèquement gendarme. Pour lui, être gendarme, ça veut dire protéger", a déclaré sa veuve Marielle à l'hebdomadaire chrétien La Vie. Sa décision de se livrer au djihadiste à la place d'une femme prise en otage dans le Super U de Trèbes, près de Carcassonne, a été "le geste d'un gendarme et le geste d'un chrétien", selon elle.
Une polémique sur la politique antiterroriste
Depuis sa mort, Arnaud Beltrame symbolise le "sens du devoir", la "bravoure", le "courage" et "l'héroïsme" et plusieurs municipalités comme Pau ou Alès (Gard) ont donné son nom à une rue ou un lieu public. Mais cette unanimité ne vaut pas pour la politique gouvernementale de lutte contre l'islamisme radical et de suivi des plus extrémistes, vivement mise en cause par la droite et l'extrême droite.
Laurent Wauquiez (LR) a dénoncé lundi la "coupable naïveté" d'Emmanuel Macron et réclamé le rétablissement de l'état d'urgence et l'expulsion des étrangers fichés "S". "Il n'y a pas pire instrumentalisation que de se cacher derrière un héros pour échapper à sa propre incompétence et à sa propre lâcheté. (...) Il n'y a pas pire mépris à l'égard des victimes que de ne rien vouloir changer", a accusé mardi Marine Le Pen (FN).
Le Premier ministre Édouard Philippe leur a répondu en disant se "méfie(r) des réponses juridiques rapides". Il existe déjà "un arsenal juridique (...) pour comprendre, suivre, sanctionner", a-t-il souligné.