L'ONG Sherpa, partie civile dans l'enquête pour financement du terrorisme qui vise Lafarge, accuse le cimentier de ne pas collaborer avec les enquêteurs et demande au parquet de diligenter une enquête "pour entrave à l'exercice de la justice", a indiqué mardi l'association.
Lafarge "ment quand il affirme pleinement collaborer avec les enquêteurs". Lafarge, mis en cause pour avoir transmis de l'argent et acheté du pétrole à des groupes djihadistes dont l'État islamique pour continuer à faire tourner sa cimenterie en Syrie, "ment quand il affirme pleinement collaborer avec les enquêteurs", a dénoncé lors d'une conférence de presse, Marie Dosé, avocate de l'ONG qui représente onze anciens employés syriens de l'usine.
Avant la perquisition menée au siège du groupe à Paris les 14 et 15 novembre, "les ordinateurs ont été passés à l'eau de javel pour empêcher la justice de travailler", a-t-elle accusé. Les juges d'instruction, qui pilotent cette enquête depuis juin, semblent dresser le même constat : "Des éléments essentiels ne se trouvaient plus au siège lorsque la perquisition a été effectuée", ont-ils récemment relevé, d'après une source proche du dossier. "L'intégralité de la comptabilité susceptible d'impliquer la personne morale n'a pas été davantage transmise", ont-ils ajouté.
La "frilosité, la complaisance voire la complicité" des autorités françaises. Par ailleurs, deux mis en examen ont fait état de "propositions d'accord du groupe pour soit acheter leur silence soit devancer les interrogations qui pourraient leur être soumises", selon Sherpa qui demande l'ouverture d'une enquête pour "entrave à l'exercice de la justice". L'avocat William Bourdon, président de l'ONG, s'interroge quant à lui sur la "frilosité, la complaisance voire la complicité" des autorités françaises.
Des cadres et responsables du cimentier français, qui a fusionné avec le Suisse Holcim en 2015, ont relaté aux enquêteurs que la décision de se maintenir en Syrie avait reçu l'aval du quai d'Orsay. Par ailleurs, dès septembre 2014, peu de temps avant que l'EI prenne le contrôle du site, plusieurs télégrammes diplomatiques à destination de la direction générale du Trésor faisaient état de la situation de Lafarge en Syrie. Or "il a fallu attendre un article dans Le Monde près de deux ans plus tard pour qu'une enquête soit ouverte", a noté Marie Dosé.
"Qui nous dit qu'entre-temps, une partie de l'argent versé à l'EI n'a pas servi à financer un attentat en France ?", a-t-elle ajouté. Six cadres et responsables du cimentier ont été mis en examen en décembre pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "financement d'une entreprise terroriste", dont l'ex-PDG de Lafarge Bruno Lafont, et l'ex-directeur général de LafargeHolcim Éric Olsen, une première pour de grands patrons français.