L'affaire Bissonnet est une des enquêtes les plus passionnantes de ces dernières années. Le 11 mars 2008, Jean-Michel Bissonnet, un notable de la bourgeoisie montpelliéraine, découvre sa femme morte lorsqu'il rentre à son domicile. Rapidement, d'étranges zones d'ombre surgissent autour de ce meurtre qui se révélera en fait être un assassinat commandité, comme le raconte Christophe Hondelatte mardi.
Une étrange scène de crime. Il est aux alentours de 22 heures lorsque Jean-Michel Bissonnet arrive chez lui après une réunion du Rotary Club. Aux gendarmes, qu'il appelle immédiatement, il explique qu'il vient de retrouver sa femme morte dans leur villa, dans l'entrée, gisant dans une mare de sang. Lorsque les officiers arrivent, ils découvrent la scène de crime et quelque chose les interpelle. Une serpillière est posée près du corps de Bernadette Bissonnet. "Le chien a marché dans le sang, il en a mis un peu partout après, alors j'ai nettoyé", justifie Jean-Michel Bissonnet. Soit. Les gendarmes passent outre.
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À quelques rues de la villa, on découvre la voiture de Bernadette Bissonnet. À l'intérieur, du sang est retrouvé sur la manette du clignotant et sur la portière côté conducteur. Le tueur s'en est servi, sans aucun doute. Mais c'est l'arrivée des Techniciens en Identification Criminelle (TIC) qui va commencer à faire basculer l'enquête. Dans l'entrée, près du corps de Bernadette Bissonnet, ils découvrent un ongle et des petits bouts de doigt : le tueur s'est blessé en tirant. On va pouvoir obtenir son ADN. Autre enseignement à tirer de l'expertise de la scène de crime : le chien n'a jamais marché dans le sang de sa maîtresse. Il n'y a aucune trace de son passage dans la mare d’hémoglobine. Jean-Michel Bissonnet mentirait-il ?
Un assassinat commandité. Le veuf va encore davantage attirer les soupçons contre lui lorsque, le lendemain du meurtre, lors de sa convocation à la gendarmerie, il les informe dès son arrivée d'une hypothèse au sujet du criminel. Selon lui, il pourrait s'agir de son jardinier : Meziane Belkacem. Pour des raisons d'argent, précise Jean-Michel Bissonnet. Étrange, très étrange aux yeux des enquêteurs. Car la veille, Jean-Michel Bissonnet avait indiqué ne pas voir qui pouvait en vouloir à sa femme et il assurait avoir totalement confiance en son jardinier, qu'il avait vu un peu plus tôt dans la journée du meurtre. Mais tout à coup, il se met à le soupçonner.
Meziane Belkacem est tout de même convoqué par les gendarmes. Il se présente à la gendarmerie avec un très long manteau qui dissimule... ses deux mains. Pendant l'interrogatoire, les officiers augmentent volontairement et discrètement le chauffage, poussant le jardinier à enlever son manteau. Il est blessé, à la main gauche, comme le tueur de Bernadette Bissonnet l'est sans doute actuellement. Placé en garde à vue, il finit par lâcher le morceau. Oui, il a tué Bernadette Bissonnet... mais c'est Jean-Michel Bissonnet qui lui a demandé, contre 30.000 euros ! Les gendarmes sont abasourdis.
Le récit de Meziane Belkacem est tellement précis, ses propos tellement argumentés, que même s'ils en doutent, les gendarmes se disent qu'il n'a pas pu inventer tout ça. Le lendemain, Jean-Michel Bissonnet est placé en garde à vue. Il s'insurge contre les dires de son jardinier et assure que son mariage allait très bien. Or, les écoutes téléphoniques des gendarmes, effectuées depuis plusieurs jours, disent le contraire.
Une troisième personne impliquée. Malgré les évidences, quelque chose échappe aux enquêteurs : le mobile. Ils ne comprennent pas pourquoi Jean-Michel Bissonnet a fait tuer sa femme. Sa disparition ne lui rapportait rien sur le plan financier. C'est comme s'il n'y avait pas de mobile. Alors le juge se dit qu'il passe à côté de quelque chose. Les gendarmes creusent dans l'entourage de Jean-Michel Bissonnet, jusqu'à tomber sur Amaury d'Harcourt. Ce vicomte de 83 ans entretient une relation très forte avec Jean-Michel Bissonnet, presque filiale. Il est placé sur écoute. Au fil des semaines, les gendarmes le sentent de plus en plus nerveux et après six semaines, ils décident de le placer en garde à vue.
Les officiers avaient eu du flair. Amaury d'Harcourt craque immédiatement. Le vicomte lâche Jean-Michel Bissonnet. C'est bien lui qui a commandité le meurtre de sa femme. Cela faisait déjà 3 à 4 ans qu'il parlait de la liquider car il ne la supportait plus. Amaury d'Harcourt, lui, a récupéré le fusil que l'on n'a pas retrouvé après le meurtre. Il l'a pris dans la voiture et l'a jeté dans une rivière voisine. Des plongeurs sont envoyés : le fusil est bien à l'endroit indiqué. Amaury d'Harcourt dit vrai.
Quelques semaines plus tard, face à une enquêtrice de personnalité, le vicomte ira plus loin. Il a en réalité participé à une répétition du meurtre dans l'après-midi, quelques heures avant le drame, et après l’assassinat, il a parlé du bon déroulement des faits avec Meziane Belkacem.
Le volte-face des soutiens de Jean-Michel Bissonnet. Le procès s'ouvre le 27 septembre 2010. Jean-Michel Bissonnet est entièrement soutenu par ses fils et un important comité de soutien, qui crient à l'injustice depuis le début de l'affaire. Tout ce petit monde est convaincu de l'innocence du mari. Mais tout bascule au quatrième jour d'audience, lorsque l'avocat général apporte des preuves matérielles que le veuf a tenté de payer un témoin pour qu'il témoigne à décharge. "On m’accuse par le mensonge, alors je me défends par le mensonge", plaide-t-il. Les fils de Jean-Michel Bissonnet quittent la salle d'audience, écœurés. Les avocats de l'accusé, eux, s'estiment trompés par leur client et ne veulent plus le défendre. Le procès est renvoyé.
Lors du second procès, à l'issue des jours d'audience, les condamnations tomberont, unanimes. Jean-Michel Bissonnet est condamné à 30 ans de réclusion criminelle, Meziane Belkacem à 20 ans et Amaury d'Harcourt à 8 ans. En appel, Jean-Michel Bissonnet obtiendra une légère remise de peine, voyant sa condamnation passer de 30 à 20 ans. L'affaire du meurtre de Bernadette Bissonnet restera comme un des faits-divers les plus célèbres de ces 20 dernières années.