Plus de deux semaines après les faits, l'histoire de Birna Brjánsdóttir fait toujours les gros titres de la presse islandaise. "La police s'approche de la vérité", "des milliers de personnes marchent en hommage à Birna", "on sait désormais comment Birna a été tuée"... Chaque petit rebondissement de l'affaire est scrupuleusement rapporté par les journaux, à la manière d'un roman policier qui s'écrirait progressivement. S'il est réputé pour ses polars à succès, le pays, qui affiche l'un des taux de criminalité les plus faibles du monde, est en effet beaucoup moins habitué aux "vrais" faits divers. Et le mystérieux meurtre d'une jeune fille de 20 ans, portée disparue pendant une semaine, bouscule les habitudes.
Chaussures dans le port. Le 14 janvier, Birna Brjansdottir, 20 ans, passe son samedi soir à boire et s'amuser dans les bars de la capitale. Vers 5 heures du matin, elle quitte ses amis pour s'acheter un kebab. Une vingtaine de minutes plus tard, des caméras de surveillance la filment titubant, visiblement éméchée. Cheveux auburn, pantalon noir, polaire à capuche et chaussures Dr Martens, Birna Brjansdottir se fond dans la nuit arctique de Reykjavik. À 5h25, les caméras perdent sa trace.
Le lendemain, Birna ne se présente pas dans le magasin de vêtements où elle travaille. La police islandaise, qui patrouille sans armes, retrouve ses chaussures dans le port de Hafnarfjordur, au sud de Reykjavik. Son téléphone est également repéré dans la zone, où quelqu'un l'a éteint. En examinant les enregistrements de vidéosurveillance, les enquêteurs repèrent une citadine rouge identique à un véhicule aperçu près de l'endroit de Reykjavik où Birna a été filmée pour la dernière fois, gardée près du quai où est ancré un chalutier groenlandais, le Polar Nanoq. A l'arrière de la voiture, des traces de sang.
Des policiers d'élite héliportés. Fait troublant : le Polar Nanoq a levé l'ancre le jour-même de cette disparition inquiétante. Sans attendre, des membres de l'unité d'élite de la police islandaise, la Viking Squad, sont héliportés vers le navire pour interroger l'équipage. Trois marins, "soupçonnés de posséder des informations sur la disparition de Birna", sont arrêtés. Sommé de faire demi-tour, escorté par les garde-côtes danois, le navire accoste à Rekjavik le mercredi suivant.
Parallèlement, les habitants de la paisible île de l'Atlantique-Nord s'émeuvent de cette disparition, appelant à poursuivre les recherches pour retrouver la jeune femme. Dans un pays où les homicides sont rarissimes - en moyenne 1,8 par an -, l'affaire, abondamment relayée par les médias, est sur toutes les lèvres. "On vit suspendus aux infos, on en parle tous les jours, en travail, en famille. C'est comme si plus rien d'autre n'avait d'importance", témoigne une habitante auprès du Parisien. Des centaines d'Islandais participent aux recherches, les plus importantes depuis "des décennies" selon le New York Times. Le jour du retour du Polar Nanoq, une marche blanche empruntant le dernier trajet connu de Birna est organisée à Reykjavik.
Une affaire retentissante. La police scientifique passe le chalutier au peigne fin, en vain : aucun élément ne laisse penser que la jeune femme ait été portée à bord. Huit jours après sa disparition, le corps de Birna est finalement retrouvé à Selvogsviti, de l'autre côté de la péninsule de la capitale islandaise, à une trentaine de kilomètres de Reykjavik. Parmi les marins arrêtés, deux intéressent particulièrement les enquêteurs. Âgés de 25 et 30 ans, ils se trouvent toujours en détention et sont régulièrement interrogés. Selon les médias islandais, aucun n'est pour l'instant passé aux aveux.
Que s'est-il vraiment passé dans la nuit du 14 janvier ? Pourquoi les chaussures de Birna ont-elles été retrouvées à 30 kilomètres de son corps ? Si l'affaire n'a pas encore répondu à toutes ses questions, elle semble déjà assurée de rester dans les annales de la police islandaise, peu riche en enquêtes retentissantes. Mais l'épilogue du drame pourrait également intéresser un pays voisin : selon Le Parisien, une adolescente a disparu dans des circonstances similaires dans une ville côtière du Danemark, en juillet 2016. Le Polar Nanoq venait d'y faire escale.