"Je propose un service public de l’aide aux devoirs". En matière d’éducation, Benoit Hamon a été l’un des seuls à se démarquer par ses propositions, dimanche soir, lors du débat entre les candidats à la primaire organisée par le PS. L’ancien ministre de l’Education nationale a défendu plusieurs mesures concrètes, dont une potentiellement novatrice : la création d’un "service public de l’aide aux devoirs". A quoi cela pourrait-il ressembler ? Est-ce réaliste ? Décryptage.
- Ce que propose (vraiment) Benoit Hamon
La proposition, telle que le candidat socialiste l’a formulée lors du débat, n’existe pas en tant que telle dans son programme. "Je propose un service public de l’aide aux devoirs, qui serait pris en charge par les professeurs, sur leurs heures supplémentaires, afin que nous puissions mettre le maximum de moyens pour que les inégalités soient attaquées, sur le cycle 2 (CP, CE1, CE2)", a avancé Benoît Hamon. Et d’argumenter : "Il y a moins d’inégalités dès lors que les professeurs peuvent prendre en charge chaque élève. Dès lors que l’on sort de la classe, on revient dans sa famille, dans son quartier, avec pas toujours les mêmes chances de réussir. Le service public de l’aide aux devoirs viendra compléter ce qui a été fait. C’est l’une des clés de la lutte contre le décrochage".
En réalité, le candidat s’est quelque peu emmêlé les pinceaux. En effet, les devoirs à faire à la maison sont interdits officiellement dans l’école primaire depuis 1956. Si dans les faits, beaucoup d’enseignants continuent d’en donner aux élèves, "l’objectif est bien de ne plus en donner", reconnaît Régis Juanico, porte-parole du candidat. Qu’a donc voulu dire Benoît Hamon ? "L’objectif serait de créer un service public de soutien scolaire en primaire, et d’aide aux devoirs au collège", répond le porte-parole.
Concrètement, en primaire, les enseignants prendraient du temps après les cours pour expliquer les leçons aux élèves, donner des clés de méthodologie ou revoir certains points de cours incompris. Au collège, ce serait la même chose, mais avec de l’aide aux devoirs, écrits et oraux. Aujourd’hui, plusieurs dispositifs existent déjà localement, initiés par les collectivités territoriales ou par l’Etat dans certaines zones dites "défavorisées". Mais ces dispositifs sont souvent facultatifs et ne concernent pas toute la France. Le but de l’équipe Hamon : généraliser la pratique et la rendre obligatoire. "Aujourd’hui, l’aide aux devoirs se privatise. Or, toutes les familles n’ont pas les moyens de se payer du soutien scolaire", défend Régis Juanico.
- Une bonne idée pour "réduire les inégalités" ?
À première vue, la proposition va dans le sens des recommandations de l’OCDE. D'après l'organisme international, un élève issu d’un milieu favorisé consacre 1,6 heure de plus par semaine aux devoirs qu’un élève issu d’un milieu défavorisé. "Les établissements et les enseignants devraient trouver les moyens d’offrir aux élèves défavorisés la possibilité de faire leurs devoirs dans un endroit calme lorsqu’ils n’y ont pas accès à la maison", écrivait l'OCDE dans sa dernière note consacrée aux devoirs. D'autant que selon l'organisme, faire ses devoirs est loin d'être inutile à partir d'un certain âge : en France, en mathématiques par exemple, les élèves de 15 ans qui font une heure de devoirs hebdomadaire de plus que la moyenne voient leur score s'améliorer de 13,4 points sur 500 au classement Pisa.
Pour autant, il n’est pas certain que la proposition de Benoît Hamon fasse l’unanimité chez les enseignants. Or, selon l’équipe du candidat, ces aides doivent être prodiguées "sur la base du volontariat" des professeurs. "Il ne faut rien imposer. Mais je suis sûr qu’il y aura suffisamment de professeurs volontaires pour généraliser le dispositif. Les enseignants veulent, comme nous, réduire les inégalités et offrir un soutien à tous", assure Régis Juanico.
"Je ne suis pas certaine qu’il y ait assez de volontaires", nuance, pour sa part, Frédérique Rollet, secrétaire générale du SNES-FSU, principale syndicat d’enseignants du secondaire. "En outre, je ne suis pas certaine que cela soit nécessaire. Pour approfondir les notions, je pense que c’est pendant la classe que cela se passe. Un élève qui ne comprend pas ou n’écoute pas pendant le cours ne fera pas mieux après. Il nous faudrait surtout davantage de moyens pour mettre en place des petits groupes. Après les cours, je pense qu’un temps d’étude, avec de bonnes conditions matérielles et assurées par des étudiants, par exemple, ce serait suffisant", poursuit l’enseignante.
Reste encore une ultime question, à laquelle ne répond pas le programme de Benoît Hamon : combien coûterait une prise en charge générale, par l’Etat, de cette aide aux devoirs pour tous ? Aucun chiffrage n’a, pour l’heure, été avancé. "De toute manière, l’Education nationale doit être une priorité. Je pense qu’on ne devrait pas avoir de mal à trouver 500 millions d’euros pour ça, voire même un peu plus", assure, confiant, le porte-parole du candidat.