la familia grande, duhamel 7:46
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Ugo Pascolo , modifié à
Alors que la parole des victimes d'inceste se libère depuis l'affaire Duhamel, Sandrine témoigne au micro d'Europe 1 des abus subis de la part de son beau-père, entre ses 10 ans et ses 12 ans. Un témoignage bouleversant qui met également en lumière les conséquences psychologiques de tels actes, et la difficile reconstruction. 
TÉMOIGNAGE

"La honte doit changer de camp, je n'ai pas à avoir honte de ce que j'ai subi." Sandrine a bientôt 54 ans et a été abusée par son beau-père, Jacques, entre ses 10 ans et ses 12 ans. Un secret porté pendant des années. Comme des centaines d'autres victimes d'inceste, elle a témoigné sur Twitter via le hashtag #MetooIncest ce week-end, quelques jours après la révélation de l'affaire Duhamel. Sur Europe 1, elle raconte les abus subis, comment elle a réussi à se "tirer d'affaire", et pourquoi elle décide aujourd'hui de témoigner. 

"J'étais comme un pantin"

"C'est vrai que l'émission 'La Grande Librairie' [mercredi soir, ndlr] et le témoignage de Camille Kouchner ont été un déclencheur pour moi", raconte-t-elle. En écoutant parler Camille Kouchner, qui accuse son beau-père Olivier Duhamel d'avoir violé son frère jumeau alors qu'ils étaient âgés de 14 ans, la parole de Sandrine s'est libérée publiquement.

"Il faut dire ce qui a été fait, parce qu'à 10 ans je ne l'ai pas dit à ma mère. Si je l'avais fait, ça se serait arrêté." C'est à la faveur de la mort de la petite sœur de Sandrine que son beau-père passe à l'acte. "Il a joué là-dessus, [...] il me disait 'tu ne dis rien à ta mère parce qu'elle va être triste'. Et je savais qu'elle était triste puisque ma sœur était décédée peu de temps avant, à l'âge de 14 mois". 

Sandrine poursuit son récit : "il se mettait nu, prenait un bain et me demandait de le laver. Je ne voulais pas spécialement mais il me disait 'tu as le droit de faire ça'. Il a voulu me pénétrer mais disait que j'étais trop petite, donc il me l'a mise dans la bouche. J'étais comme un pantin, je ne me suis pas débattue, je n'ai rien fait, rien dit, parce que j'étais sidérée, j'ai tout enfoui."

"Il y a eu des comportements répétés jusqu'à mes 12 ans"

Un acte qui ne s'est produit qu'une seule fois, mais qui n'a pas été pour autant le seul. "Il y a eu des comportements répétés jusqu'à mes 12 ans, il venait pratiquement toutes les nuits au pied de mon lit", explique-t-elle en évoquant des "caresses". 

Traumatisée et emplie d'un sentiment de "honte", Sandrine tente d'en parler à sa mère, mais n'arrive qu'à dire que "Jacques [l'] embête". "Je n'osais pas dire pourquoi, parce que j'avais honte." Un sentiment qui l'a longtemps perduré, puisque "même adulte, [elle] n'en a parlé qu'à des psy [...] avec des mots aussi crus". Je n'ai pu le dire à mes proches que beaucoup plus tardivement." Car malgré les années écoulées, Sandrine restait "cette petite fille de 10 ans avec cette impossibilité de parler, de nommer les choses par honte". 

Si Sandrine peut parler publiquement de ces événements, c'est "grâce à l'émission 'La Grande Librairie' et aux multiples messages" sur Twitter. "La honte doit changer de camp, je n'ai pas à avoir honte de ce que j'ai subi. C'est lui qui doit avoir honte de ce qu'il m'a fait", affirme-t-elle. Mais ce n'est pas tout : Sandrine a également dû traverser de nombreuses années de thérapie. 

Une psychose, des hallucinations et des années de psycothérapie

Car les dégâts psychologiques ont été considérables. "À la naissance de mon deuxième enfant, j'ai fait une psychose puerpérale qui s'est caractérisée par des hallucinations très fortes." Dont une dans laquelle Sandrine voyait son beau-père "traverser les murs avec un couteau pour poignarder [son] nouveau né. Et quand vous dites à ça à votre mari et que ça se répète, vous vous retrouvez d'office en psychiatrie." Un internement qui va durer six semaines, avec un isolement de 10 jours, "en ne sachant pas si j'allais revenir sur Terre", confie-t-elle. 

" On se retrouve en psychiatrie parce qu'on est folle "

Pour décrire ses hallucinations, Sandrine évoque une prise de "LSD et un bad trip monumental". "On se retrouve en psychiatrie parce qu'on est folle", résume-t-elle. 

Après un premier passage dans un établissement spécialisé, Sandrine rentre chez elle, mais elle ne va pas bien. Elle est alors de nouveau placée en psychiatrie à cause d'une "dépression" pendant trois semaines. Une rechute qui va avoir de lourdes conséquences sur sa vie de mère, puisqu'elle va devoir être suivie par un pédopsychiatre pendant des années pour revoir son enfant. Un suivi qui a précédé une "analyse" par un psychiatre qui a permis de faire ressortir l'origine de ce mal : les agissements de son beau-père. "Parce qu'à cette époque là, je ne savais pas d'où ça venait."

Il aura donc fallu "plus de 20 ans de psychothérapie et d'analyse" à Sandrine pour s'en sortir. Et si elle peut aujourd'hui affirmer au micro d'Europe 1 qu'elle va "très bien", c'est grâce à "la parole et au travail".