Les associations sont reçues jeudi à Matignon pour une présentation du projet de loi "asile et immigration", dans un climat tendu par une récente circulaire sur le recensement des migrants, qu'une vingtaine de ces ONG envisagent de porter devant le Conseil d'Etat. La réunion avait été annoncée fin décembre, lorsque le Premier ministre Edouard Philippe avait repris en main le dossier controversé du recensement des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence.
A la veille de ce rendez-vous, les associations actives dans l'hébergement et l'aide aux étrangers ont reçu mercredi une "présentation des dispositions du projet de loi", qui doit être présenté en Conseil des ministres dans les prochaines semaines. "Pas de surprises", pour le président de la Fédération des acteurs de solidarité Florent Gueguen, dans ce texte que s'est procuré, et dont les grandes lignes étaient déjà largement connues.
Des mesures très contestées. Emmanuel Macron avait promis en septembre une "refondation complète de notre politique d'asile et d'immigration" comparable à ce que le général de Gaulle avait engagé en 1945. Le texte aligne les mesures techniques, dont beaucoup sont déjà très contestées par les défenseurs des étrangers pour leur caractère coercitif. La durée maximale de rétention est ainsi doublée à 90 jours, un alignement sur la moyenne européenne. Comme prévu, le gouvernement a renoncé au très polémique concept de "pays tiers sûr" où un demandeur d'asile aurait, dans certains cas, pu être renvoyé.
"Une vision technocratique et inhumaine". Pour le reste, le texte panache les mesures d'accueil (réduction des délais de traitement des demandes d'asile à six mois, extension de la réunification familiale pour les mineurs...) et de fermeté (augmentation de 16 à 24 heures de la retenue pour vérification du droit au séjour, durcissement de l'assignation à résidence, réduction des délais de recours pour les déboutés de l'asile...) C'est une "vision technocratique et inhumaine des migrants", a affirmé Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l'Homme, tandis que Françoise Sivignon, la présidente de Médecins du monde, s'inquiétait de "vraies brèches dans le droit d'asile".
Des associations refusent d'aller à cette réunion. Le ministre de l'Intérieur, qui sera présent à la réunion, a averti lundi : si le texte n'est "évidemment pas à prendre en bloc", il "ne saurait être question de le vider de sa substance". Gérard Collomb s'est notamment dit "preneur" de "tout ce qui ira dans le sens d'un renforcement de l'insertion des réfugiés", dans une interview à l'AFP. Mais certaines associations ont annoncé qu'elles n'iraient pas à cette réunion, qui n'est pour le Gisti "en aucune façon (...) une véritable concertation". Médecins sans frontières dénonce le risque "d'utilisation à des fins de communication".
L'ordre du jour de la réunion prévoit aussi une présentation "de l'actualité des flux migratoires et de la demande d'asile" et "des premières orientations du député Aurélien Taché en matière d'intégration". Mais les questions relatives à la circulaire du 12 décembre sur le recensement dans l'hébergement d'urgence "seront examinées dans le cadre d'un groupe de suivi spécifique", précise l'invitation. Pour tenter, d'ores et déjà, de faire bouger les lignes, une vingtaine d'associations ont l'intention de porter l'affaire devant le Conseil d'Etat.