La Cour des comptes a examiné à la loupe les conditions de la mise en place de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) et leur conclusions sont sévères. Présenté en grande pompe fin février 2014, le projet de la PNIJ initié en 2009 sous l'ex-garde des Sceaux Rachida Dati, a pour ambition de centraliser l'ensemble des interceptions judiciaires en un seul lieu, pour mieux contrôler le suivi des procédures et favoriser des économies budgétaires. "L'enjeu financier des interceptions judiciaires n'est pas négligeable" soulignent les sages de la rue Cambon qui chiffrent à un milliard d'euros son coût sur les dix dernières années. Un montant qui a explosé passant de 89,78 millions d'euros en 2005 à 122,55 millions d'euros en 2015.
"Un projet sous-estimé". Les retards importants pris dans la mise en route de la plateforme qui devait initialement être opérationnelle fin 2007 début 2008 mais qui n'était pas achevée début 2016, du fait de "la complexité technique d'un projet sous-estimé" et d'un pilotage insuffisant, "a empêché l'Etat de faire environ 65 millions d'euros d'économie brutes" par an, constate la Cour.
Des résultats "peu satisfaisants". "Depuis l'essor de la téléphonie mobile, la gestion des interceptions judiciaires est restée peu satisfaisante, tant en ce qui concerne l'obtention rapide de données fiables pour les enquêteurs judiciaires que quant à la sécurité du dispositif et à son coût global", fustigent les sages. Pour eux, le déploiement de la plateforme "ne dispense pas de mettre en place une réforme d'ensemble dans ce domaine crucial pour les enquêtes judiciaires et sensible au regard des libertés publiques".
Une mission d'inspection technique en cours. Ils proposent donc aux pouvoirs publics la mise en place d'un pilotage interministériel, une rationalisation des dépenses et une anticipation de l'évolution des besoins à venir. Compte tenu des enjeux, ils recommandent aussi d'internaliser la plateforme, aujourd'hui implantée chez Thales à Elancourt (Yvelines) dans un lieu appartenant à l'Etat. Dans sa réponse, le Premier ministre Manuel Valls indique avoir lancé une mission d'inspection technique dont les conclusions lui seront toutes remises avant le 1er octobre prochain. Et, "pour la période 2017-2020, dans l'attente d'une éventuelle internalisation, un marché public sera passé par le ministère de la Justice", précise le locataire de Matignon.