Seulement 37% des jeunes Français exercent une activité professionnelle, selon un rapport de France stratégie remis mardi au ministère du Travail, qui s’est intéressé à l’emploi des 15-24 ans. 37%, c’est 4,5 points de moins que la moyenne européenne. Et c’est plus de 20% de moins que le taux en vigueur au Pays-Bas, au Danemark ou au Royaume-Uni par exemple. Ce faible taux d’emploi s’explique, d’une part, par "la dégradation de leur situation sur le marché du travail", commente France Stratégie. Mais il s’explique aussi par le faible nombre de jeunes qui "cumule" un emploi avec leurs études. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? Décryptage.
La France rattrape son retard… mais reste loin de ses voisins
Environ 15% des jeunes Français travaillent en plus de suivre des cours, selon le rapport. En 2006, il y en avait moins de 10%. La moitié de ces 15% sont en apprentissage, mais les autres se répartissent dans des emplois réguliers ou occasionnels servant pour l’essentiel à financer leurs études. Avec ses 15%, la France se situe dans la moyenne des 28 pays de l’Union européenne. Mais elle est loin de certains de ses voisins directs : au Danemark (40% des étudiants cumulent !), au Pays-Bas (38%), en Suède (25%), en Autriche (24%) ou encore en Allemagne (26%) et au Royaume-Uni (20%), les étudiants travaillent beaucoup plus.
Les étudiants étrangers connaissent-ils donc plus de difficulté que les Français pour financer leurs études ? Pas vraiment, selon France stratégie. Selon le service d’étude économique rattaché à Matignon, cela signifie d’abord que nos voisins misent davantage sur l’apprentissage. "Ce cumul important dans certains pays s’explique d’abord par une forte proportion de jeunes en apprentissage : plus des deux tiers de ces situations de cumul sont de l’apprentissage en Allemagne, en Autriche, au Danemark et aux Pays-Bas, l’apprentissage étant dans ces pays une voie obligatoire pour accéder à certains emplois", écrivent les auteurs du rapport.
En outre, ces chiffres montrent que certains pays européens multiplient - voire imposent – les ponts entre le scolaire et le professionnel. "Dans d’autres pays", poursuit en effet le document, "le cumul emploi et études correspond à des cohabitations plus fréquentes entre expériences du monde du travail et éducation, permises notamment par une part non négligeable d’enseignement à temps partiel".
Une aide à l’emploi futur… moins aux études présentes !
Les pays où les étudiants travailleurs sont les plus nombreux ont un taux de chômage global largement inférieur à celui de la France. Mais cela ne signifie pas, non plus, qu’il y a un lien direct entre "cumul emploi /études" et insertion sur le marché de l’emploi, car les éléments à prendre en compte sont multiples et dépendent de la situation de chaque pays.
Mais le rapport s’est tout de même intéressé à la carrière de Français qui ont travaillé pendant leurs études. Ainsi, selon France stratégie, 74 % des jeunes Français qui ont "cumulé" déclarent que cela leur a apporté des compétences professionnelles, 58 %, des relations professionnelles et 75 % des jeunes l’ont mentionné systématiquement dans leur curriculum vitae à la sortie du système éducatif. "Les études disponibles mettent en évidence des effets plutôt positifs sur l’insertion professionnelle à l’issue des études, avec des salaires d’embauche plus élevés", commentent les auteurs du rapport.
" L’effet du travail étudiant n’est pas nécessairement positif "
Quelques nuances, toutefois, sont à apporter. Première d’entre elles : pour que cette expérience professionnelle ait un effet, il faut qu’elle soit "intégrée aux études" elle-même, et qu’elle débouche sur un emploi en lien avec ces mêmes études. Or, on l’a vu, l’apprentissage ne représente, en France, que la moitié des expériences professionnelles des étudiants. En outre, un tiers des salariés français a ensuite une carrière qui n’est pas directement liée à ses études.
Seconde nuance à apporter : le cumul "emploi/étude" risque de perturber les études en elles-mêmes, surtout lorsqu’il s’agit d’un travail alimentaire. Selon l’Insee, les étudiants à l’université qui travaillent plus de 16 heures par semaine ont 38% de chance de réussir leurs examens, contre 66% pour les non-salariés et 56% pour ceux qui travaillent moins de 16 heures. Conclusion du rapport de France stratégie : "l’effet du travail étudiant n’est pas nécessairement positif quand le travail n’est pas intégré aux études, notamment lorsqu’il dépasse un certain nombre d’heures et entre ainsi en concurrence avec les études, ou quand il concerne des emplois peu qualifiés dont la valorisation est moindre".
460.000 jeunes "invisibles"
Le chiffre est probablement l’un des plus préoccupants de tout le rapport : la proportion de "NEET", ces jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, atteint aujourd’hui 15% des jeunes Français, soit 1,8 million de personnes. Ce chiffre révèle plusieurs disparités, note France stratégie : certains sont inactifs pour des raisons familiales, d’autres le sont parce qu’ils viennent d’arrêter leurs études ou sont en reconversion ou encore parce qu’ils ne parviennent pas à s’insérer sur le marché de l’emploi via les structures existantes.
Mais 460.000 d’entre eux seraient carrément des "invisibles", selon le rapport : ils n’ont pas de travail et ne suivent pas d’étude et ne sont encadrés ni par Pôle emploi, ni par une structure scolaire ou d’apprentissage ni même par une mission locale. Cela 60.000 jeunes de 15 à 19 ans, 130.000 de 20 à 24 ans et 270.000 de 25 à 29 ans. 460.000, c’est l’équivalent de la population de la ville de Toulouse.