L'évacuation de la "Jungle" de Calais, une opération à risque que le ministère de l'Intérieur dit pleinement assumer dans une perspective "résolument humanitaire", commencera lundi matin, selon l'arrêté publié vendredi.
Pas de durée imposée. L'opération est prévue sur une semaine, mais elle pourrait être plus longue, aucun rythme n'étant imposé aux autorités, indique-t-on place Beauvau. Le sort des 1.300 mineurs isolés du bidonville est toujours incertain, trois jours avant le début des opérations, mais les négociations avec les autorités britanniques, qui ont accepté d'en accueillir un certain nombre, "progressent", assure-t-on. Pour ces jeunes, l'objectif de Paris est d'aller "au bout, et au-delà" des réunifications familiales déjà prévues par les textes européens, et donc d'en envoyer un maximum outre-Manche. Quelque 6.486 personnes en quête d'un passage au Royaume-Uni vivent actuellement dans le campement de la lande de Calais, selon le décompte des autorités.
Relogés "en fonction de leur profil". Parmi elles figurent 1.291 mineurs isolés et environ 300 individus en famille. La grande majorité sont toutefois des hommes seuls et majeurs. À partir de lundi, tous se verront proposer une offre de mise à l'abri "en fonction de leur profil" (familles, hommes seuls, mineurs et personnes vulnérables). Après une répartition dans un grand hangar organisé "comme une gare routière", les volontaires, qui pourront choisir entre deux régions, seront conduits, en bus, vers des Centres d'accueil et d'orientation (CAO). Quelque 7.500 places ont été mises à disposition dans environ 450 CAO à travers le pays. Soixante bus sont prévus lundi, 45 mardi et 40 mercredi.
Les mineurs isolés resteront dans un centre. Les mineurs isolés resteront, eux, dans un centre situé juste à côté du campement, en attendant que leur procédure aboutisse, que ce soit au Royaume-Uni ou en France. Quant au démantèlement en tant que tel, il débutera mardi avec les premières opérations de nettoyage et de ramassage des déchets, puis se fera en parallèle des évacuations. "C'est une opération à risque qu'on assume de faire", dit-on place Beauvau.
Risques de débordements. Dans une tribune publiée jeudi par Le Monde, les ministres de l'Intérieur et du Logement, Bernard Cazeneuve et Emmanuelle Cosse, ont assuré qu'ils réussiraient "ce défi humanitaire." Les risques de débordements et de mouvements de foule existent toutefois - entre 150 et 200 militants altermondialistes du mouvement "No border" sont notamment déjà présents sur le site -, et quelque 1.250 policiers et gendarmes sont prévus pour encadrer cette opération.
Quid de la volonté des migrants ? Quant aux tensions dans les lieux d'arrivée des migrants, le ministère s'attend à ce qu'elles soient "très résiduelles". 60% des CAO accueilleront moins de 20 personnes. Reste surtout la grande inconnue du nombre d'exilés "récalcitrants" qui refuseront la proposition de relocalisation qui leur sera faite, et pourront être interpellés puis placés en Centres de rétention administrative (CRA). Un très grand nombre de migrants sont prêts à partir ou "sur le point d'y venir", assure-t-on place Beauvau.
Une "opération de main tendue". Mais l'enthousiasme varie selon les nationalités. Alors que les Soudanais sont bien engagés dans cette démarche (ils représentent plus de la moitié de ceux qui ont déjà quitté volontairement Calais), les Erythréens sont plus méfiants, reconnaît-on. Quant aux rares Syriens présents sur la Lande (40 à 50), ils sont très déterminés à passer en Grande-Bretagne. Le placement en CRA "sera laissé à l'appréciation des forces de l'ordre", dit-on au ministère. Mais "ce que nous souhaitons, c'est de n'avoir recours à aucune interpellation lors de cette évacuation", ajoute-t-on, évoquant une "opération de main tendue".
La question de l'après-Calais pas encore réglée. L'autre grande inconnue est celle de "l'après-Calais", qui n'est pour l'instant pas réglée. "Calais restera toujours Calais, il faut donc imaginer la suite", reconnaît-on place Beauvau, où l'on dit travailler sur cette question. "Il faut trouver le dispositif convenablement dimensionné (pour) éviter la reconstitution d'un campement." Le coût du démantèlement de la "Jungle" n'a pas été chiffré, le nombre définitif de bus et de forces de l'ordre déployés pouvant être réévalué à tout moment. Mais le plus cher est le placement en CAO, qui coûte 25 euros par jour et par personne, soit près de 190.000 euros par jour pour les 7.500 places ouvertes, indique-t-on.