Maigreur excessive des mannequins : la loi suffira-t-elle ?

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MODE - L'Assemblée a voté jeudi un texte pour obliger les mannequins à obtenir un certificat médical avant de défiler.

Serait-ce la fin des silhouettes décharnées sur les podiums ? Dans le cadre de la loi Santé, définitivement adoptée jeudi à l'Assemblée, les députés ont voté plusieurs mesures pour lutter contre la maigreur excessive des mannequins. Ces dernières devront obligatoirement obtenir un certificat médical attestant que leur "état de santé, évalué notamment au regard de [leur] indice de masse corporelle (IMC), est compatible avec l'exercice de [leur] métier".

L'IMC minimal supprimé. Au départ, les élus avaient choisi de conditionner l'activité de mannequin à un IMC minimal, établi à 18. Un amendement en ce sens, déposé par le député socialiste Olivier Véran, avait été adopté par l'Assemblée.  Mais le Sénat l'avait finalement supprimé, préférant mettre en place une médecine du travail plutôt qu'un seuil.

Six mois de prison et 75.000 euros d'amende. "Le problème de l'anorexie mentale ne saurait être appréhendé par un simple critère mathématique", justifiait alors le sénateur Alain Vasselle (LR). Etablir un certificat médical permettra aux médecins de prendre en compte la morphologie, l'âge et le sexe des mannequins, mais aussi de s'intéresser à leur histoire alimentaire ou de rechercher l'absence de menstruation. Toute infraction sera passible de six mois d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.

"Mode et législation, cela ne marche pas". Reste à savoir si les mesures votées vont être efficaces. Pierre-François Le Louët, président du cabinet de tendances Nelly Rodi et spécialiste de la mode, s'est dit vendredi sur Europe 1 "pas absolument sûr" qu'un certificat médical puisse changer les choses. "Ce qui me gêne, c'est de faire croire qu'on va régler par une loi un problème lié à une image du corps de la femme dans les médias", a-t-il déclaré. "Quand on fait rimer mode et législation, cela ne marche pas." Lui préfère croire que la profession saura s'auto-réguler. "C'est un milieu de plus en plus divers, il y a déjà eu une prise de conscience."

Entendu sur europe1 :
Ce qui me gêne, c'est de faire croire qu'on va régler par une loi un problème lié à une image du corps de la femme dans les médias.

Une mesure anti-Photoshop. L'autre mesure adoptée par les députés concerne les photographies à usage commercial de mannequins dont l'apparence a été modifiée "afin d'affiner ou d'épaissir la silhouette". Désormais, ces clichés devront être accompagnés de la mention "photographie retouchée". Un délit puni d'une amende de 37.500 euros, qui peut être porté à 30% des dépenses consacrées à la publicité.

Pas de délit d'incitation à la maigreur. En revanche, le délit d'incitation à la maigreur excessive, voté par les députés en première lecture, a depuis été abandonné. Cette mesure prévoyait de sanctionner d'un an de prison et 10.000 euros d'amende les sites "pro-ana", sur lesquels s'échangent des conseils pour restreindre son alimentation et perdre du poids de façon dangereuse. Si plusieurs élus, et notamment Michèle Delaunay, médecin de profession, jugeaient indispensable de s'attaquer à ces sites qui "ont un effet aggravant" sur l'anorexie, d'autres avaient trouvé ce dispositif contre-productif. Une répression pénale risquerait, selon eux, de fragiliser encore plus des personnes souffrant déjà de troubles du comportement alimentaire.