Les journées de mobilisation se suivent et, à gauche, on aimerait qu'elles ne se ressemblent pas. Jusqu'ici, la gauche a échoué à s'unir pour protester d'une seule et même voix contre la politique gouvernementale. Les colères communes n'ont pas réussi à donner naissance à un même mouvement d'une ampleur suffisante pour espérer faire plier l'exécutif. Mais la manifestation du 26 mai donne un nouvel espoir à la gauche de la gauche. Pensée par ses organisateurs comme une "marée populaire", elle doit permettre d'inverser (enfin) le rapport de force.
La CGT rejoint les partis politiques. Les principales forces politiques de gauche et anti-libérales seront présentes. La France Insoumise, bien sûr, qui a régulièrement appelé à battre le pavé ce printemps, mais aussi le NPA, le PCF, le mouvement de Benoît Hamon Génération.s., EELV ou encore les altermondialistes d'Attac. Mais la grande nouveauté, c'est que la manifestation du 26 mai comptera également des syndicats, notamment la CGT. Soucieuse de ne pas sembler trop proche d'un parti politique, la centrale de Philippe Martinez avait jusque-là toujours refusé de s'accorder sur une même date avec la France Insoumise. Et sa participation a d'ailleurs été très critiquée au gouvernement. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a ainsi regretté dimanche dans le Grand Rendez-Vous d'Europe 1 un "dévoiement complet du syndicalisme".
Même le comité "Vérité et justice pour Adama" (du nom d'Adama Traoré, jeune homme mort étouffé par les corps de trois gendarmes lors d'une interpellation musclée en 2016) défilera samedi. Preuve que cette manifestation est pensée comme la réunion de toute la gauche (hors-PS) mais aussi des quartiers populaires.
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Réclamer un "changement de cap social". Logiquement, les organisateurs nourrissent donc les plus grands espoirs. Pour le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent le "cadre inédit" de cette manifestation lui donne du poids pour "faire entendre une exigence de changement de cap social" au gouvernement. Car l'objectif est bien là : critiquer la politique globale menée par l'exécutif et faire reculer ce dernier sur les gros dossiers qui fâchent, notamment la réforme de la SNCF et celle des universités, alors que la mise en œuvre de Parcoursup connaît des ratés.
"Égalité de chaque structure". Toute la difficulté pour les instigateurs de la "marée populaire" aura été de gérer les égos et les envies de chaque participant, pour éviter que l'un ne tire la couverture à lui. La manifestation est "un ovni qui n'a jamais été mis en place, dans l'égalité de chaque structure", avait expliqué Willy Pelletier, de la fondation Copernic, à l'issue d'une réunion de préparation au siège de la CGT le 17mai.
Pour éviter toute rupture de cette égalité des structures, les organisations syndicales et politiques ont prévu de se placer derrière le cortège citoyen, et non en tête. Et les participants autres que la France Insoumise n'ont de cesse de répéter que Jean-Luc Mélenchon ne sera pas la figure de proue de la mobilisation. "Il faut unir des forces différentes, les respecter, leur donner chacune leur place", souligne ainsi Pierre Laurent. "Tous les gens qui vont venir dans les manifestations [samedi] ne se rangent pas derrière quelqu'un, ils unissent leurs forces."
"Montée en puissance". Reste à savoir si cela sera suffisant pour déclencher le "nouveau mai 68" que certains, à l'image de Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière, appellent de leurs vœux. Jeudi, la manifestation des fonctionnaires n'a rassemblé qu'un peu plus de 16.000 personnes à Paris, selon le comptage du cabinet indépendant Occurrence, et quelque 139.000 dans toute la France, selon le ministère de l'Intérieur.
Il va falloir faire plus pour marquer les esprits. Pas de quoi effrayer Alexis Corbière, député LFI, qui a expliqué sur Public Sénat observer une "montée en puissance" de la mobilisation. "Tout ça peut donner quelque chose qui est un rapport de force qui continue."
Le dernier écueil, ce sont les dissensions qui pourraient éclater le jour J. Olivier Besancenot, figure du NPA, l'a bien rappelé cette semaine sur RTL : il ne faut "pas se louper" comme lors des dernières manifestations, où chacun a "joué pour soi".