Portions de repas rationnées, soins minutés, pratique du "surbooking" : un livre à paraître le 8 septembre épingle les pratiques de certaines crèches privées, comparées à des "usines" à bébés. Cinq mois après la publication d'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la prévention de la maltraitance dans les crèches, Le prix du berceau (Seuil) décrit un système "déshumanisé" basé sur la course au rendement et au remplissage, au détriment parfois du bien-être des enfants.
À l'image de cette crèche des Bouches-du-Rhône d'où certains enfants sortent "la faim au ventre", suscitant l'interrogation des parents qui finiront par apprendre auprès de la direction qu'il manquait "entre trois et cinq repas deux jours par semaine" pendant plusieurs mois. "Une erreur humaine", selon l'entreprise. Ou encore de cet établissement près de Lyon qui pratique comme certaines compagnies aériennes le "surbooking" : il accueillait plus d'enfants que ce qui est légalement prévu. Un responsable du groupe s'inquiétera en interne d'un risque "pour la sécurité".
Des employés qui décident de briser le silence
"On est dans un système qui, par des injonctions à la rentabilité" transforme les enfants "en chiffres là où on était initialement sur un service à la personne", déclare à l'AFP le journaliste indépendant Mathieu Périsse, co-auteur du livre qui s'appuie sur près de 200 interviews et témoignages de cadres, employés et parents. Des témoignages qui rappellent malheureusement un autre scandale : celui de la maltraitance dans les Ephad. Un marché là aussi lucratif, qui suscite la convoitise des acteurs, parfois au détriment de leurs pensionnaires. Car le monde de la crèche privée est un marché compétitif. Quatre acteurs se partagent le gâteau, estimé à plus d'un milliard d'euros de bénéfices : le groupe Grandir, Babilou, la maison bleue et people & Baby.
Alors certains comme Marie (le prénom a été changé) décident de briser le silence. "J'ai été référente d'une petite fille qui est rentrée en crèche à l'âge de trois mois. Cette petite fille était assez menue et portait des couches taille 2, sauf que nous dans notre crèche, on n'en avait pas. On n'avait que du taille 3 dans l'établissement. Donc, lorsqu'elle urinait, la pauvre, ça coulait le long de ses cuisses et on devait la changer sans cesse", explique-t-elle au micro d'Europe 1.
"On passe 70% de notre temps à faire le ménage"
L'encadrante, qui a travaillé notamment pour People & Baby, poursuit : "Pendant plusieurs mois, on a demandé à notre directrice et aux supérieurs de nous fournir des couches taille 2 et ça n'a jamais été fait." La professionnelle dénonce également le manque d'encadrement des enfants lors de ses journées de travail : "On passe 70% de notre temps à faire du ménage et le reste avec les enfants, c'est juste pour les nourrir, les changer et les accompagner lors du temps de sieste, c'est tout."
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"Mais malheureusement, lorsque les visites de crèches sont effectuées, ce n'est que du paraître et du mensonge. Et les parents tombent dans le panneau", conclut-elle, dépitée. Vingt ans après l'ouverture du secteur au privé, les crèches privées proposent 80.000 places, soit quelque 20% des places disponibles et réalisent un chiffre d'affaires compris entre 1,1 et 1,4 milliard d'euros, selon un rapport de Matignon publié en 2021.