L'information a été confirmée par le parquet de Lille dimanche midi, quelques heures seulement après la découverte du corps d'Angélique, 13 ans : placé en garde à vue, le principal suspect, âgé de 45 ans et qui a reconnu les faits, était connu de la justice. Plus précisément, il était inscrit au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV). Europe 1 fait le point sur l'utilité de ce dispositif et ses limites.
Qu'est-ce que le FIJAISV ?
Le fichier a été élaboré après l'onde de choc de l'affaire Fourniret. Arrêté en 2003 en Belgique pour une tentative d'enlèvement, l'homme avoue plusieurs meurtres de jeunes femmes. En France, il a déjà été condamné pour des faits d'agressions sexuelles et de viols sur mineurs, commis en région parisienne. Mais les enquêteurs belges l'ignorent. Dans ce contexte, le ministère de la Justice français décide de la mise en place d'un document répertoriant les noms des délinquants sexuels et leur adresse régulièrement mise à jour, fusse-t-elle à l'étranger.
La circulaire relative à la création du FIJAISV, publiée en 2005, a donc pour finalité de "prévenir le renouvellement des infractions de nature sexuelle" et de "faciliter l'identification de leurs auteurs" en connaissant leur localisation. Concrètement, les personnes inscrites doivent justifier de leur adresse à la police ou à la gendarmerie une fois par an, et déclarer tout changement de domicile dans un délai de quinze jours. Pour les auteurs d'infractions les plus graves, condamnés à au moins 10 ans de réclusion, le contrôle est plus strict : ils sont contraints d'actualiser leur adresse en personne et non par courrier, et ce tous les six mois.
Le FIJAISV est sous la responsabilité du garde des Sceaux. Pour chaque personne inscrite, on y trouve son nom, sa date de naissance, son adresse, la nature des faits pour lesquels elle a été condamnée mais aussi d'éventuelles informations ajoutées au fil du suivi, comme un manquement aux obligations de pointage.
Qui y est inscrit ?
Originellement, le fichier recensait les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans pour meurtre ou assassinat d'un mineur, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle sur mineur, proxénétisme de mineurs ou recours à des prostitués mineurs. En 2006, le périmètre des crimes et délits a été élargi aux "actions violentes" - meurtres, assassinats, torture et actes de barbarie - n'étant pas nécessairement de nature sexuelle ou commises sur mineurs.
L'inscription au fichier est actée par le tribunal ou le parquet, dès la condamnation en première instance. Elle dure 20 à 30 ans, en fonction de la gravité de l'infraction, et peut être annulée en cas de décision différente en appel ou en Cassation. Les ressortissants français condamnés à l'étranger pour ces infractions sont également concernés.
Pour les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de moins de cinq ans et les mineurs de 13 à 18 ans, l'inscription n'est pas automatique mais peut être effectuée sur décision expresse de la juridiction ou du procureur de la République. En tout, le fichier comporte 78.200 noms.
Qui peut le consulter ?
Le FIJAISV peut être consulté par les autorités judiciaires, la police et la gendarmerie, mais aussi les préfets et les administrations de l'Etat. Ce sont ces derniers qui doivent transmettre aux maires et aux présidents de conseils départementaux et régionaux les informations sur les habitants de leurs collectivités afin d'empêcher, par exemple l'accès aux professions impliquant un contact avec les mineurs.
Les personnes inscrites dans le fichier peuvent, elle, connaître le contenu de leur fiche mais pas la consulter en version papier. Le but de l'inscription est aussi dissuasif, les inscrits sachant que la justice connaît leur adresse.
A-t-il dysfonctionné dans le cas du meurtre d'Angélique ?
Sur le casier judiciaire du principal suspect figure "une condamnation datant de 1996, pour des faits commis en 1994, qualifiés de viol avec arme, attentats à la pudeur aggravés et vol avec violence", a indiqué le parquet de Lille, dimanche. Selon Le Parisien, le quadragénaire avait à l'époque été condamné pour le viol d'une enfant de 13 ans. D'après son récit aux enquêteurs, l'habitant du Nord a tenté de violer Angélique avant de l'étrangler car elle se débattait. Le parallélisme entre les deux affaires fait vivement réagir certains habitants de Wambrechies, où la fillette a été enlevée la semaine dernière. Un meilleur suivi de l'homme condamné dans les années 1990 aurait-il pu permettre de prévenir la récidive ?
Une chose est sûre : du point de vue la loi, rien ne prévoit que les habitants d'une commune ne soient "prévenus" du passé judiciaire de leurs voisins, inscription au FIJAISV ou pas. Dans le cas du meurtre d'Angélique, une question reste cependant en suspens : pourquoi le maire de Wambrechies ignorait-il que l'un de ses administrés avait été condamné pour viol sur mineur ? "C'est incompréhensible d'avoir un habitant délinquant sexuel, et que personne n'ait été mis au courant", a réagi le premier adjoint de l'édile, lundi. "On se retrouve dans ce genre de situation parce qu'on ne fait pas savoir ce qui existe. Peut-être même que la commune de Wambrechies ne savait pas qu'elle était en mesure de consulter le FIJAISV", a avancé l'avocat Rodolphe Constantino sur Europe 1.
Le Parisien rapporte en outre que l'homme avait écopé d'un rappel à la loi en 2014, pour avoir "oublié" de déclarer son changement d'adresse. Mais ses coordonnées avaient depuis été régulièrement mises à jour : c'est grâce à sa présence dans le fichier que les enquêteurs ont pu remonter sa piste rapidement, samedi, à partir du témoignage d'un petit garçon qui avait vu Angélique suivre un adulte du quartier.