"C'est son choix de ne pas être là, c'est son choix de ne pas être représenté." À la veille de l'ouverture du procès de Ian Bailey, seul suspect du meurtre de sa mère, Sophie Toscan du Plantier, Pierre-Louis Baudey-Vignaud s'exprime calmement pour évoquer l'accusé, qui ne se présentera pas devant la cour d'assises : son pays, l'Irlande, a refusé par deux fois de le livrer à la France, malgré l'édition de mandats d'arrêt. Qu'importe : pour le fils de la victime, invité de C'est arrivé demain, dimanche, sur Europe 1, cette semaine d'audience représente une première étape vers la "vérité" que poursuit sa famille depuis 23 ans.
"On est extrêmement concentrés, préparés"
"On se bat pour avoir la vérité pour savoir ce qui s'est passé cette nuit-là", commence le trentenaire à propos du 22 décembre 1996. Le lendemain matin, le corps de sa mère avait été retrouvé en contrebas de sa maison isolée de Schull, un village de la côte sud-ouest de l'Irlande. "On n'a pas été beaucoup aidés par la justice irlandaise, qui pour le moment n'a pas souhaité le (Ian Bailey) mettre face (…) à un procès", estime-t-il. "On est debout face à ça, on est extrêmement concentrés, préparés et on attend beaucoup de ce qui va se dire de ce procès."
Pour Pierre-Louis Baudey-Vignaud, cette audience représente aussi l'occasion de revenir au fond du dossier. "Depuis 23 ans, on parle de l'Irlande, on parle de ce suspect, on parle de ce fantôme qu'elle est devenue un peu, localement. On ne parle pas assez du fait qu'elle a été assassinée sauvagement", souffle-t-il. "Ma mère a pris beaucoup de coups. Elle était déjà morte qu'elle continuait à se prendre des coups dans la figure et sur le corps. Demain, tous les éléments qui tournent autour de ça vont être listés, débattus, expliqués et détaillés pour enfin avoir une vérité."
"Des éléments à charge qui sont innombrables"
Le fils de Sophie Toscan du Plantier ne digère pas en revanche les éléments de langage des avocats irlandais et français du suspect, qui voient dans la tenue de ce procès la marque d'une "république bananière". "C'est vraiment très insultant pour la partie civile que nous sommes de dire que c'est une farce", s'agace-t-il, soulignant des "éléments à charge qui sont innombrables". "Il faut savoir que cet accusé a battu sa femme à plusieurs reprises, qu'elle est allée à l'hôpital, qu'elle a porté plainte. (…) Il a dit a plusieurs reprises qu'il avait tué ma mère, à des personnes différentes, à des amis à lui, à des gens qu'il avait pris en stop. Il a donné des détails sur son corps alors que l'autopsie n'avait pas encore été réalisée."
Pour raconter ces détails au procès, malgré l'absence de l'accusé, Pierre-Louis Baudey-Vignaud compte sur les témoignages d'enquêteurs et de riverains irlandais. "J'étais en Irlande la semaine dernière. (…) Cette population locale, elle est bercée par ce meurtre depuis 23 ans. J'avais besoin de les impliquer, de leur expliquer que c'est une chance pour eux (…) Il faut qu'ils sachent que je me bats pour eux, je me bats pour ma mère et nous devons absolument faire en sorte que les assassins sauvages, les fous soient en prison pour qu'on puisse vivre librement."
"Je croise Bailey et c'est lui qui détourne le regard"
Ces séjours dans la maison où résidait Sophie Toscan du Plantier portent une charge émotionnelle forte pour Pierre-Louis Baudey-Vignaud, qui n'entend aucunement y renoncer. "La personne qui a assassiné ma mère (…) ne va certainement pas nous prendre notre liberté. Cette maison en Irlande, c'était le refuge de ma mère et c'est un des seuls moyens que j'ai aujourd'hui d'avoir un lien entre ma mère et mes enfants, entre ma mère et moi. Donc oui j'irai en Irlande, oui, je continuerai d'aller en Irlande."
À Schull, Pierre-Louis Baudey-Vignaud rencontre parfois le suspect du meurtre de sa mère. "Je croise Bailey et je fais face à ça. C'est lui qui détourne le regard, ce n'est pas moi", assène-t-il. "Moi, je n'ai rien fait de mal. J'ai simplement perdu ma mère, dans des circonstances qui sont terribles. (…) Je ne vis pas cet endroit comme un mausolée, ou comme un cimetière, ou comme un lieu de crime. Je me persuade que l'Irlande, c'est avant tout un pays de joie, un pays d'une richesse romantique énorme, et je ne veux pas confronter cet endroit à ce qui s'est passé pendant quatre ou cinq minutes : un crime sauvage."