Le procureur François Molins, interpellé par des avocats sur le sort de 128 mineurs isolés "en danger" dans les rues de Paris, demande que les cas soient d'abord transmis au conseil départemental pour "évaluation", a-t-il indiqué vendredi dans un courrier.
Trois avocats avaient adressé jeudi au procureur de la République de Paris un signalement pour l'alerter sur "la situation très préoccupante" de 128 mineurs isolés "livrés à eux-mêmes dans les rues de la capitale, sans abri, par des températures négatives", alors qu'ils ne peuvent avoir accès au dispositif du 115, le Samusocial, réservé aux majeurs.
La plupart des garçons, âgés de 13 à 17 ans. À l'initiative de cet appel, médiatisé, Mes Catherine Delanoë-Daoud et Isabelle Roth, responsables du pôle mineurs non-accompagnés du barreau de Paris, et Emmanuel Daoud, membre du conseil de l'Ordre de Paris, demandaient "aux pouvoirs publics", et sous l'autorité du procureur, "de mettre tous les moyens matériels et humains en oeuvre" pour qu'ils soient mis "en sécurité de toute urgence". Âgés de 13 à 17 ans, ces jeunes, la plupart des garçons, n'avaient "aucune solution d'hébergement depuis plusieurs nuits" affirmait jeudi Me Daoud.
Le procureur fait valoir une évaluation de l'âge et de l'isolement de la personne. Le procureur leur a répondu le lendemain, assurant que "le parquet est très attentif à ces situations". "La situation de danger que vous décrivez retient ainsi toute mon attention", a indiqué François Molins dans son courrier, rappelant que "la protection des mineurs" est "une des fonctions essentielles du ministère public". Toutefois, il souligne que la loi du 14 mars 2016 et le décret du 24 juin 2016 imposent que la saisine du parquet soit précédée d'une double "évaluation sociale de la minorité et de l'isolement familial du mineur non accompagné".
Le magistrat a invité en conséquence les avocats à transmettre à l'autorité "responsable", soit le conseil départemental de Paris, "tout élément de nature à permettre l'évaluation" des 128 mineurs, ajoutant que la saisine de la justice intervient "à l'initiative de la présidente du conseil départemental", Anne Hidalgo. Il a aussi indiqué que certains jeunes mentionnés dans la liste des 128 noms transmise par les avocats, étaient déjà pris en charge sur décision judiciaire.
Un avocat dénonce un recours fréquent du "contrôle au faciès". "La réponse n'est pas satisfaisante, elle ne correspond pas à la réalité pratique ni au droit", a réagi Me Emmanuel Daoud. L'avocat dénonce notamment des insuffisances dans le Dispositif d'évaluation des mineurs isolés étrangers (DEMIE). Elles se traduiraient selon lui par un recours très fréquent au "contrôle au faciès" pour estimer la minorité ou non des jeunes, au lieu d'une "évaluation approfondie et contradictoire". Les avocats ont procédé en milieu de semaine au recensement de ces 128 adolescents avec l'aide d'associations de terrain mais il ne reflète pas le nombre réel de mineurs isolés à Paris, qui pourrait atteindre "400 à 500" selon Me Daoud.