Comment prendre en charge les mineurs étrangers drogués ? À l’hôpital Robert-Debré, une unité d'une dizaine de soignants, rattachée au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, prend en charge des centaines de mineurs non accompagnés (MNA), venus seuls en France. Addictologues, psychologues et éducateurs développent depuis 2015 une stratégie de suivi pour les accompagner dans leur insertion, en lien avec la Protection judiciaire de la jeunesse et les associations. Cela nécessite d'abord de les faire sortir des réseaux de drogues et de prostitution.
"Des états de plus en plus terribles"
Un garçon avec les côtes en vrac et le mot maman tatoué partout sur le corps, une jeune fille les bras zébrés de scarifications, etc. Tel est le quotidien de l'unité de l'hôpital Robert-Debré qui suit les mineurs non accompagnés. Les enfants y défilent, souvent pris en charge après un séjour aux urgences. "Ils sont de plus en plus nombreux dans des états de plus en plus terribles", constate François-Henry Guillot qui coordonne l'aide à ces jeunes écorchés.
Suivi psychologique, réinsertion, etc. L'éducateur spécialisé s'acharne à créer une alliance avec chacun d'eux. "Plus ils arrivent jeunes, plus ils sont rendus à la vie sauvage", explique-t-il. "Ils sont en hyper vigilance en permanence", à tel point qu'un simple claquement de doigts va les mettre aux aguets. "Ce sont des enfants à qui ont volé leur enfance, leur adolescence. Donc quand on les reçoit, c'est déjà pour leur rendre leur place et leur dire qu'on les voit, qu'on les écoute, qu'ils sont importants."
L'éducateur rencontre Ali, 17 ans, qui a fui l'Algérie et la violence d'un père alcoolique avant de noyer ses angoisses dans le Rivotril, un puissant antiépileptique. "On va se voir souvent. La première chose à faire, c'est arrêter le Rivotril, parce que tu sais, c'est du poison, c'est la pire des drogues", détaille-t-il au jeune homme.
"Ce n'est pas vain"
L'adolescent se rend ensuite dans le bureau du docteur Emmanuelle Peyret, psychiatre, addictologue et chef de l'unité, qui prescrit un autre médicament moins dangereux et dont elle réduira les doses progressivement. "Je me substitue aux réseaux qui les ont mis sous l'emprise des produits en prescrivant des produits qui leur permettent de ne pas être en manque. Et s'ils ne sont pas en manque, ils vont pouvoir se poser dans des structures scolaires."
Cela a notamment marché pour un jeune garçon, arrivé à 14 ans, une balle dans le genou, à l'époque prostitué et toxicomane. Aujourd'hui sevré, il suit un CAP plomberie. "On a fait la preuve qu'on pouvait les aider, que ce n'est pas vain", juge le docteur Peyret. Ces jeunes, c'est notre avenir, répète-t-elle. Elle espère aujourd'hui développer son unité et l'exporter hors du Nord-Est parisien, partout en France.