La réforme du lycée est largement critiquée par les parents d'élèves et les enseignants qui regrettent notamment une réforme qui va creuser les inégalités.   4:22
  • Copié
Virginie Salmen, édité par Marthe Ronteix , modifié à
Une transformation des maths en "spécialité" ardue, un nombre de professeurs en baisse et une réforme qui ne sera pas appliquée partout. Alors qu'enseignants et parents d'élèves se sont mobilisés samedi, Europe 1 détaille les principaux points qui font débat dans la réforme du lycée et du bac.
ON DÉCRYPTE

La colère monte chez les professeurs et les parents d'élèves à propos des différentes réformes en cours depuis la maternelle jusqu'au bac. Plusieurs milliers d'enseignants d'écoles maternelles et élémentaires, de collèges et lycées ont défilé samedi en France à l'appel des cinq principaux syndicats de l'Éducation pour protester contre "la loi Blanquer" et la réforme du lycée.

Que reprochent les profs et les parents d'élèves à la réforme du lycée et du bac ?

 L'un des points de crispation se situe autour des cours de mathématiques. À partir de la classe de première, ce sera tout ou rien puisqu'avec la réforme, les élèves ne choisissent plus une filière mais trois "spécialités".

Il y aura donc une spécialité mathématiques mais dont le niveau affiché est très élevé, au-dessus du niveau actuel des bacs S, parce que la France a besoin de plus de bons scientifiques. Soit les lycéens choisissent cette difficile spécialité, donc, soit ils abandonnent les maths car celles-ci ne font pas partie du tronc commun. Cette matière est remplacée par un "enseignement scientifique", c'est-à-dire un programme de culture scientifique. Seuls les très bons élèves en maths pourront donc accéder à cette spécialité, ce qui désarçonne notamment les élèves de profil bac ES (dont le coefficient était de 5 pour l'épreuve de maths au bac).

Les maths, une matière qui reste essentielle pour les lycéens

Or le niveau dans cette matière est souvent un critère de sélection. C'est le cas par exemple pour les concours des grandes écoles comme HEC. C'est la raison pour laquelle les futurs bacheliers ne veulent pas prendre le risque d'arrêter complètement.

"Dans la classe de seconde, les élèves prennent les maths parfois par défaut, pour ne pas se fermer de portes, alors que cela ne leur correspond pas forcément", explique Sandra Murphy, professeur en région parisienne et élue du syndicat Se-Unsa, au micro d'Europe 1. "Ce ne sont pas des scientifiques purs et durs à proprement parler, mais ils savent qu'ils auront besoin des maths dans leur cursus. Donc ils demandent la spécialité avec une moyenne qui flirte le 10/20. On sait qu'ils auront des difficultés l'année prochaine. Mais que leur répondre ? On n'a pas d'autre choix à leur proposer", regrette-t-elle.

Entendu sur europe1 :
Quand on arrête une formation mathématiques à l'âge de 15 ans, il est difficile de la reprendre quelques années plus tard

Outre les syndicats de professeurs, la Société mathématique de France a publié un manifeste pour réclamer une correction de la réforme. "Arrêter les maths de façon brutale en seconde, ce n'est pas raisonnable en 2019-2020", déplore Stéphane Seuret, président de la Société de mathématiques de France. "Quand on arrête une formation mathématiques à l'âge de 15 ans, il est difficile de la reprendre quelques années plus tard. Or dans ce monde numérique, les mathématiques sont importantes de même que dans la vie quotidienne. Cela permet aux jeunes de décrypter le monde qui les entoure. Donc si on abandonne cet enseignement, on ne remplit pas entièrement notre rôle de formateur", dénonce-t-il au micro d'Europe 1, avant de rappeler qu'actuellement 85% des élèves de terminale suivent un cours de mathématiques.

Des moyens qui ne sont pas à la hauteur de la réforme

Autre point de discorde sur cette réforme : la question des moyens. Selon les parents d'élèves de la PEEP (Fédération de Parents d'Élèves de l'Enseignement public), il n'y a pas assez de professeurs. Cette nouvelle réforme propose aux élèves de choisir à la carte parmi douze spécialités, ce qui implique que chaque cours sera donné à un petit groupe de lycéens.

"Auparavant, dans une classe de 35 élèves en première S, tous les élèves étaient ensemble sauf en cours de langues. Mais maintenant, dans un groupe de 35, il y aura quatre ou cinq spécialités donc quatre ou cinq groupes qui seront séparés. Pour arriver à cet objectif, il faut des moyens, des professeurs en face des élèves", explique le porte-parole de la PEEP, Samuel Cywie. Sauf que le ministre Jean-Michel Blanquer a annoncé 2.600 suppressions de postes dans le secondaire et des emplois qui vont être rebasculés vers l'école élémentaire, où il y a d'importants besoins.

Les parents et les élèves craignent également qu'il y ait un décalage entre la promesse de la réforme et son application dans les lycées. Car si douze spécialités sont prévues, elles ne seront pas présentes dans les 4.000 lycées de France, à cause des contraintes d'emploi du temps, faute de places pour tout le monde. Certains futurs bacheliers risquent donc d'être déçus.