Nord : prison requise contre les dirigeants d'une mosquée pour abus confiance

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avec AFP
Le parquet a requis jeudi de la prison ferme contre quatre dirigeants de la mosquée de Villeneuve-d'Ascq (Nord), poursuivis pour des investissements locatifs interdits destinés à financer l'établissement religieux et 200.000 euros de prêts au lycée musulman Averroès. 

Le parquet a requis jeudi de la prison ferme contre quatre dirigeants de la mosquée de Villeneuve-d'Ascq (Nord), poursuivis pour des investissements locatifs interdits destinés à financer l'établissement religieux et 200.000 euros de prêts au lycée musulman Averroès. Ces prévenus étaient jugés à Lille pour abus de confiance, blanchiment, et trois d'entre eux pour tentative d'escroquerie. Le parquet a requis six à dix mois de prison ferme accompagnés de 12 à 14 mois de sursis contre eux, et du sursis simple contre un cinquième prévenu, en demandant un aménagement pour qu'ils puissent purger leur peine éventuelle à domicile. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 15 mars.

Un manque de transparence dans les bilans

Sur le banc des prévenus : cinq quinquagénaires grisonnants, lunettes pour la plupart et barbes taillées court, dirigeants de longue date du Centre islamique de Villeneuve-d'Ascq (CIV), et pour plusieurs anciens salariés ou parents d'élèves du lycée Averroès. Les comptes du CIV ont été épluchés après un signalement de la préfecture du Nord en 2022 pointant un manque de transparence dans ses bilans. La préfecture a décidé fin 2023 de suspendre les subventions d'Averroès en l'accusant de "manquements graves aux principes fondamentaux de la République", mettant son avenir en question.

Dans un rapport de 2023 sur Averroès, le préfet a évoqué la possibilité que le CIV, qui recevait des dons du Koweït ou d'Egypte, ait fait de "faux prêts" à l'établissement afin de servir d'écran à des financements étrangers pour le lycée. À l'audience, le trésorier de la mosquée, Abdellah Ouafi, a souligné qu'Averroès avait remboursé certains prêts, et que des démarches étaient en cours pour récupérer les 200.000 euros encore dus.

 

"La République s'est trompée de combat, s'est tiré une balle dans le pied"

La mosquée a renoncé à des créances car "le lycée a failli fermer", a-t-il souligné, ajoutant que les adhérents de l'association gérant la mosquée étaient informés de ces prêts, et que les fidèles les soutenaient massivement. "Si le CIV était une entreprise, Averroès serait une filiale", a assuré un avocat de la défense, Mehdi Ziatt. En outre, le CIV avait acquis via une SCI deux maisons pour y aménager des studios étudiants, loués afin de s'assurer une "indépendance" financière, a expliqué son président Mohamed Karrat.

Mais le parquet a souligné qu'il était interdit pour une association de faire des investissements locatifs. L'objet social du CIV était de fournir un lieu de culte digne et des services aux fidèles, mais pas de financer un lycée ni des logements étudiants, a martelé la procureur. Déplorant une "gestion à la petite semaine" et "l'inamovibilité" des dirigeants de la mosquée, elle a appelé à davantage de démocratie dans les instances dirigeantes de cet important lieu de culte, confié temporairement à un administrateur judiciaire.

Soulignant que le parquet n'était pas "le bras armé de la préfecture" et qu'il ne s'agissait pas de faire "le procès du lycée Averroès", elle a déploré que ce dossier soit vu "sur le plan politique". "La République s'est trompée de combat, s'est tiré une balle dans le pied", a estimé un autre avocat de la défense, Me Pianezza. "Quand il y a un CIV, ça empêche qu'on prie dans les caves, les garages, et ça on sait à quoi ça mène".