A tout juste un mois de la fin de la trêve hivernale, qui devrait marquer le début de l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame des Landes, comme l’avait promis le Premier ministre, un bras de fer s'annonce. Très peu de zadistes ont en effet quitté la zone. Et leur état d’esprit n’est pas à la conciliation. La préfecture exige de ceux qui veulent rester qu’ils aient un projet agricole solide, payent leurs impôts et cotisent à la MSA. Des préalables que les zadistes évacuent d’un revers de main. Notre reporter a pris le pouls sur place, alors que l’Etat se prépare à l'évacuation, de gré ou de force.
Presque pas de zadistes partis. La première surprise est que pratiquement personne n’est parti depuis un mois et demi, depuis que le gouvernement a annoncé l’abandon du projet d’aéroport. La préfecture évalue à environ 200 le nombre de zadistes encore présents sur zone. Parmi eux un noyau dur d'une cinquantaine de personnes se montre suffisamment agressif aux abords de la départementale 281, en réfection, pour que 200 gendarmes soient mobilisés quotidiennement. Leur mission : contrôler les entrées, sécuriser le chantier et protéger la poignée d’agents du département qui y travaillent.
Selon nos informations, trois zadistes ont été reçus par la préfète de Loire-Atlantique, pour la première fois mercredi. Mais les deux parties ne sont absolument pas sur la même longueur d’onde.
"Zone d'expérimentation". Camille est l’un des porte-parole des zadistes et il explique leur point de vue : "Il y a quelques personnes qui veulent s’installer de manière déclarée avec une activité professionnelle, mais c'est vraiment une minorité. Nous, ce qu'on souhaite faire, c'est pouvoir continuer ce laboratoire qu'est la zone actuellement, c'est-à-dire une zone d'expérimentation, que ce soit aussi bien sur l'agricole que l'économique, le social, l'environnemental. C'est le plus important et ça ne peut pas se faire en suivant les normes professionnelles. Il est hors de question de rentrer dans les clous, ça n'a aucun sens. On ne s'est pas battus pendant toutes ces années pour, au final, prendre un statut d’agriculteur qui détruit la terre à l’inverse de ce qu’on a toujours prôné."
"Ils seront expulsés". Les zadistes souhaitent une sorte de Larzac bis. Ils veulent une gestion collective des terres par une entité qui décidera elle-même qui installer en fonction de critères uniquement environnementaux et sociaux. En ce sens, on est très loin du discours de Nicole Klein, la préfète de la Loire-Atlantique : "Ceux qui auront un projet agricole pourront rester mais tous ceux qui ne rentrent pas dans cette catégorie-là ne pourront pas rester. Ils seront expulsés. Cela veut dire sûrement une intervention des forces de l'ordre. Le top départ sera donné quand on sera prêt à agir. Je pense que la majorité veulent rentrer dans les clous. On verra qui on expulse et comment on expulse mais il y aura certainement une expulsion et les forces pour le faire", avertit-elle. "On ne mettra pas de mur, on essaiera de proposer un relogement à ceux qu'on expulse. Moi, je crois à l'apaisement, j’y travaille tous jours."
"Si le gouvernement envoie ses 'Robocops'...". Mais dans la Zad, pour l'heure, point d'apaisement. Un certain nombre d’individus sont déterminés à se battre violemment en cas d’intervention des forces de l’ordre. Eric, présent sur zone depuis 2012, en est le témoin : "Face à l'annonce de l'envoi des 'Robocops', on lance un appel et on espère qu'on sera assez nombreux pour empêcher l'Etat de nous attaquer. On sera sûrement quelques milliers, c'est une évidence. Des 'black blocs' viendront et tant mieux ! Si le gouvernement décide cette guerre-là, de ré-envahir notre ZAD, il y aura sûrement des victimes, c’est obligatoire." Il se pourrait donc que l'on se dirige vers une sortie de crise extrêmement compliquée et qui pourra difficilement faire l’économie de l’épreuve de force.