Après un demi-siècle de balbutiement, le gouvernement a tranché. L’exécutif a annoncé mercredi renoncer à construire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. L’abandon du projet controversé n’aboutit pas pour autant à son épilogue : reste désormais à libérer la ZAD, indemniser les différentes parties et désengorger l’actuel aéroport de Nantes.
Quel avenir pour l’aéroport de Nantes ?
La construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes avait pour objectif de désengorger l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique. Avec l’abandon du projet, la piste désormais engagée est celle de la modernisation de l’actuel aéroport nantais. "Le Grand Ouest a besoin de solutions pour croître, il a besoin d’être connecté au reste de la France et de l’Europe", a fait valoir le Premier ministre mercredi.
Dans un premier temps et dans "des délais rapides", l’aérogare de Nantes-Atlantique va être modernisée et les abords de pistes vont être aménagés afin d’accueillir plus de passagers. La procédure pour l’allongement de la piste unique sera également engagée. Un tel chantier devrait permettre de réduire les nuisances sonores pour les riverains nantais, assure Edouard Philippe. "Nous ferons aussi tout pour réduire les nuisances sonores pour Saint-Aignan-Grandlieu, et si cela n’est techniquement pas possible, elles feront l’objet de compensations exemplaires", a-t-il promis aux habitants de cette commune qui abrite une partie de la piste nantaise. En parallèle, l’aéroport de Rennes fera aussi l’objet d’un agrandissement pour mieux répartir le trafic aérien du Grand Ouest, si la région Bretagne "le souhaite", a ajouté Edouard Philippe.
L’exécutif veut par ailleurs jouer sur "la complémentarité rails et air" : sans détailler davantage ce volet, le chef de l’exécutif a annoncé que les liaisons à grande vitesse qui relient la région aux aéroports de Paris seront "fluidifiées et multipliées". La ministre des Transports a été chargée d’étudier dans un délai de six mois les conditions de mises en œuvre de ces différents chantiers.
L’agrandissement de Nantes-Atlantique avait longtemps été écarté des options envisagées en raison notamment de la présence d’une zone naturelle protégée à proximité. Avant le réaménagement à long terme de Nantes-Atlantique, l’Etat va devoir revoir le contrat passé avec le concessionnaire Vinci et lancer des études environnementales et d’ingénierie. Les partisans du nouvel aéroport, comme le député LR de la Vendée Bruno Retailleau, estiment qu’un tel chantier prendrait au moins dix ans. Le rapport des médiateurs rendu en décembre évoquait une optimisation progressive des aménagements aéroportuaires à partir de 2020, avec un phasage des travaux en trois temps jusqu'à 2035.
Qu’advient-il des zadistes ?
La "Zone à défendre" (ZAD), installée sur le périmètre jusqu’à alors dédié au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, est occupée depuis 2009 par des militants écologistes, des radicaux de gauche ainsi que des paysans locaux. Ils seraient entre 150 et 400 à y vivre selon les saisons, rapporte Le Parisien. "Nous mettrons fin à la zone de non droit", a prévenu Edouard Philippe mercredi, voulant "rétablir l’état de droit sur la zone". Il a ainsi réclamé "que les squatteurs libèrent des terres qui ne leur appartiennent pas". Quelque 95 squats illégaux ont été recensés par les autorités sur les 1.650 hectares de la ZAD.
Les "occupants illégaux" ont jusqu’au printemps pour partir d’eux-mêmes de la ZAD "ou seront expulsés", a prévenu le Premier ministre sans jamais utiliser le terme d’évacuation lors de son allocution. Quelque 500 forces de l’ordre sont d’ores et déjà déployées, afin de quadriller la zone et empêcher tout débordement. L’Etat appelle également à rendre la libre circulation sur les trois routes qui traversent le site : "les squats qui débordent sur la route devront être évacués, les obstacles retirés", a dit Edouard Philippe. La D281, aussi baptisée "route des chicanes", est entravée de pneus, de barricades et de mirador.
© JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
Avec l’abandon du projet, certains zadistes pourraient partir d’eux même de la zone, estimant la lutte terminée. Le mouvement anti-aéroport s’est d’ailleurs engagé mercredi à rouvrir les accès à la ZAD, mais a dit son "refus de toute expulsion de celles et ceux qui sont venus habiter dans le bocage pour le défendre et qui souhaitent continuer à y vivre". Les militants demandent notamment à ce que la ZAD reste "un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole".
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Que faire des terres ?
Les terres sur lesquelles devait se construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes seront rendues à leurs anciens propriétaires qui le souhaitent, a indiqué Edouard Philippe mercredi. Ces derniers avaient été expropriés en 2012, avec une compensation financière. La loi prévoit qu’un propriétaire exproprié peut demander la rétrocession de son bien si le terrain n’a pas reçu "la destination prévue". Une trentaine d’expropriés de Notre-Dame-des-Landes avaient déjà saisi la justice en mars dernier alors qu’aucun travaux n’avait débuté dans la zone.
L’Etat engagera une cession progressive du foncier à Notre-Dame-des-Landes, et dès le 8 février la déclaration d’utilité publique de la zone sera caduque. L’exécutif entend redonner à ces terres "leur vocation agricole". "Ailleurs, de nouveaux projets agricoles pourront être accueillis dans un cadre légal à partir d’avril", a ajouté Edouard Philippe sans plus de détails.
Qu’en est-il de Vinci ?
Une inconnue demeure concernant l'avenir du contrat signé avec Vinci. Le géant du BTP avait remporté fin 2010 le contrat portant sur la construction et l'exploitation du nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Selon les médiateurs nommés par le gouvernement, l’abandon du projet peut contraindre l’Etat à indemniser la société à hauteur de 350 millions d’euros. Le ministre des Relations avec le Parlement Christophe Castaner a assuré mercredi sur BFMTV que ce chiffre de 350 millions d’euros n’avait "aucune base légale". Mercredi, après l’annonce du gouvernement, Vinci a dit se tenir à disposition du gouvernement. De longues négociations doivent désormais s’ouvrir entre le géant du BTP et l’Etat pour renégocier le contrat. Et c’est bien là une des seules certitudes de cet épilogue : la facture pour l’Etat sera salée.