De premiers vols d'évacuation doivent avoir lieu mardi pour exfiltrer des touristes coincés en Nouvelle-Calédonie, territoire français du Pacifique sud toujours à l'arrêt après une semaine d'émeutes, malgré de "nets progrès" en matière de sécurité vantés par Emmanuel Macron. Le chef de l'État se rendra dès ce soir sur l'archipel pour y installer "une mission", a annoncé la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot.
Le président part "dans un esprit de responsabilité", a ajouté la porte-parole sans détailler la "mission" évoquée ni préciser combien de temps le chef de l'Etat resterait sur l'archipel. Elle a redit que "le retour à l'ordre était le préalable à tout dialogue", alors qu'une réforme électorale contestée par les indépendantistes doit être validée "avant la fin juin" selon Emmanuel Macron, par le Congrès réunissant sénateurs et députés. Mais "l'exécutif poursuit (...) la construction de la solution politique pour le territoire", a-t-elle aussi dit.
Les informations à retenir :
- De premiers vols d'évacuation doivent avoir lieu mardi pour exfiltrer des touristes coincés en Nouvelle-Calédonie
- Emmanuel Macron salue de "nets progrès" en matière de sécurité et se rendra dès ce soir sur l'archipel pour y installer une "mission"
- L'exécutif décide de mobiliser "pour un temps" des militaires afin de "protéger les bâtiments publics" et soulager policiers et gendarmes
- L'aéroport international de Nouméa reste fermé aux vols commerciaux jusqu'à samedi matin
- Un premier avion d'évacuation a atterri à Brisbane, en Australie, avec à son bord des touristes australiens
Les ministres qui accompagnent Emmanuel Macron
Pour son déplacement en Nouvelle-Calédonie, le président Emmanuel Macron est accompagné de trois membres du gouvernement : Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, et Marie Guévenoux, la ministre déléguée chargée des Outre-mer.
Le premier avion d'évacuation a atterri en Australie
Le premier avion évacuant des touristes australiens, piégés dans les émeutes en Nouvelle-Calédonie pendant une semaine, a atterri mardi à Brisbane. L'appareil, un C130 Hercules de la Royal Australian Air Force, est le premier à avoir quitté le territoire français d'outre-mer depuis le début des troubles le 13 mai.
Le principal aéroport international à Nouméa est fermé aux vols commerciaux, bloquant des milliers de touristes sur l'archipel océanien. Les visiteurs se sont retrouvés barricadés dans leurs hôtels, mal approvisionnés, alors que les autorités françaises tentaient de venir à bout des protestations, émeutes et pillages. Depuis des jours, les militaires australiens et néo-zélandais attendaient le feu-vert des autorités françaises pour lancer les vols d'évacuation.
Les militaires mobilisés pour protéger les bâtiments publics
Huit jours après le début de cette flambée de violences en réaction à une réforme constitutionnelle décriée par les indépendantistes, l'exécutif a décidé de mobiliser "pour un temps" des militaires afin de "protéger les bâtiments publics" et soulager policiers et gendarmes, a indiqué l'Élysée. "Le retour au calme se poursuit sur l'ensemble du territoire", a de son côté écrit dans un communiqué publié mardi matin le représentant de l'État en Nouvelle-Calédonie, le Haut-commissaire Louis Le Franc.
Six personnes ont été tuées depuis le début des violences
Mais Nouméa et son agglomération continuaient d'être le théâtre d'affrontements et les barrages se sont même étoffés par endroits dans la nuit, a constaté un journaliste de l'AFP, à qui plusieurs témoins ont fait état d'importantes détonations dans le quartier de Tuband.
Six personnes ont été tuées depuis le début des violences, d'une ampleur inédite en près de 40 ans dans l'archipel océanien. Parmi les morts figurent deux gendarmes mobiles dont les dépouilles ont été ramenées par avion militaire dans l'Hexagone lundi.
L'aéroport international de Nouméa reste fermé aux vols commerciaux jusqu'à samedi matin
Alors que la fermeture de l'aéroport international de Nouméa aux vols commerciaux a été prolongée jusqu'à samedi matin, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui essaient depuis plusieurs jours de rapatrier leurs centaines de ressortissants bloqués, ont annoncé mardi matin l'envoi de plusieurs vols pour les évacuer.
Le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères, Winston Peters, a indiqué que son gouvernement avait affrété un vol en direction de Nouméa, parti en fin de matinée pour rapatrier cinquante de ses ressortissants, tandis que son homologue australienne Penny Wong a annoncé l'envoi dans la journée de deux avions qui évacueront "des touristes australiens et d'autres".
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Le retrait du projet de loi constitutionnelle serait "une erreur gravissime"
Malgré le déploiement massif de forces de sécurité intérieure, qui dépassent les 2.700 effectifs désormais en Nouvelle-Calédonie, la situation reste "précaire", de l'aveu même des autorités. Les principales figures non-indépendantistes de l'archipel, réunies en conférence de presse à Nouméa, ont toutefois appelé à poursuivre l'examen du projet de loi constitutionnelle, qui doit être adopté en Congrès avant fin juin.
Son retrait serait "une erreur gravissime" qui donnerait "raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers", a asséné le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf. La présidente du groupe Rassemblement-LR au congrès calédonien, Virginie Ruffenach, a elle estimé que "le terrorisme ne doit pas gagner, la violence ne doit pas gagner".
Alors que la crise menace de s'enkyster, les appels se sont en effet multipliés, de la gauche à l'extrême droite en passant par la majorité et jusqu'à la maire loyaliste de Nouméa, pour réclamer un report de cette réforme qui prévoit le dégel du corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel. Ce dégel aurait pour conséquence de marginaliser les voix de la communauté autochtone kanak, dénoncent les indépendantistes.
L'état d'urgence en place depuis mercredi
À l'issue du troisième Conseil de défense organisé en moins d'une semaine, l'Élysée n'a en revanche pas évoqué la question de la prolongation possible de l'état d'urgence, en place depuis mercredi. Cette situation exceptionnelle ne peut être prolongée au-delà de 12 jours sans soumettre un texte au Parlement.
Tandis que le spectre d'une pénurie de nourriture et de médicament plane sur l'agglomération de Nouméa, le Haut-Commissaire a assuré que 21 grandes surfaces ont rouvert "et sont progressivement réapprovisionnées".
Une nuit encore agitée
"Les opérations de déblaiement des axes routiers se poursuivent", souligne également le communiqué. Mais la nuit a encore été agitée : mardi matin, sur la route express qui mène à l'aéroport international, l'entrepôt d'une entreprise de fourniture de bureaux était en feu, dégageant une épaisse fumée noire.
Deux carcasses de voitures empilées forment un barrage à 200 mètres de là, de jeunes hommes encagoulés filtrant le passage des voitures. À Doumbea, importante ville de l'agglomération, c'est le centre culturel qui a été saccagé. "Les jeunes voulaient tout brûler, on a réussi a les en empêcher", assure à l'AFP un militant de la CCAT.
Dimanche déjà, les autorités avaient annoncé une vaste opération de gendarmerie pour libérer l'axe stratégique d'une cinquantaine de kilomètres reliant Nouméa à l'aéroport de La Tontouta, mais les barrages à peine "débloqués" étaient réinstallés par les indépendantistes.
La plupart sont "filtrants" et laissent le passage à certains véhicules, y compris les pompiers ou ambulances à toute heure, soutient la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), collectif indépendantiste accusé par l'Etat d'attiser les violences mais qui affirme rester "dans une démarche pacifique".
Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence maintenues
Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00 (9h00 et 21h00 à Paris), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool et le bannissement de l'application TikTok - dont l'interdiction sera contestée par des défenseurs des libertés devant le Conseil d'Etat mardi à 11h30.
La chambre de commerce et d'industrie (CCI) a appelé à "préserver le peu qu'il reste" de l'économie calédonienne, évoquant des "conséquences" économiques et sociales "déjà catastrophiques". Selon la CCI, 150 entreprises ont été "pillées et incendiées", et la zone industrielle de Ducos, "véritable poumon économique de la Nouvelle-Calédonie, est abandonnée à son sort".