La tension reste vive samedi en Nouvelle-Calédonie, où la mission de "rétablir l'ordre dans les jours à venir" fixée par le président Emmanuel Macron se révèle difficile, et où l'évacuation de touristes français a commencé. Sur le terrain, la situation "reste difficile", a reconnu sur franceinfo la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, restée en Nouvelle-Calédonie depuis la visite du chef de l'État. "Les forces de l'ordre reprennent du terrain au fur et à mesure", a-t-elle toutefois salué.
Les Français de métropole restés coincés dans l'archipel en raison des émeutes commencent eux à entrevoir le bout du tunnel : de premiers vols à bord d'appareils militaires ont décollé samedi de l'aérodrome de Magenta à Nouméa, vers l'Australie et la Nouvelle-Zélande. "L'attente était interminable, puisque la réouverture de l'aéroport est repoussée de jour en jour", a raconté à l'AFP l'une de ces touristes, alors que l'aéroport international de La Tontouta reste fermé aux vols commerciaux depuis le 14 mai et ce au moins jusqu'à mardi.
Les informations à retenir :
- La situation reste très vive en Nouvelle-Calédonie, deux jours après la visite d'Emmanuel Macron sur l'archipel
- L'évacuation des touristes français a commencé
- Vendredi, une septième personne est décédée dans les émeutes, tué par un tir de policier "en civil", a précisé la ministre des Outre-mer
- Au micro d'Europe 1 midi week-end, Marie Guévenoux a assuré que l'État "reprend du terrain", même si "la situation reste difficile" sur place. Elle a également pointé du doigt une "délinquance d'opportunité"
Malgré les appels sur place à "l'apaisement" du chef de l'État, les barrages sur les routes, démantelés par les forces de l'ordre et souvent aussitôt réinstallés, continuent à entraver la circulation et les violences se poursuivent. Dans la nuit de vendredi à samedi dans le quartier de Kaméré à Nouméa, 35 personnes, dont sept mineurs, selon les autorités, ont dû être évacuées par la mer sous protection de la brigade nautique après l'incendie d'une maison du quartier et des pillages.
Les forces de l'ordre "sont passées avec un micro dans la rue pour nous dire d'évacuer le quartier. Les enfants ont été pris en charge en priorité", a rapporté à l'AFP une mère de jumelles de deux ans. "On a su par les gens du quartier que notre maison avait été pillée dans la nuit, comme d'autres. C'est horrible, très choquant", a-t-elle raconté en pleurs au téléphone. "On ne s'est jamais senti en insécurité ici, au contraire... Les gens qui ont brûlé et saccagé les maisons du quartier ne sont pas forcément les gens du barrage", qui "nous ont dit qu'ils allaient essayer de calmer le jeu avec les jeunes", a-t-elle poursuivi.
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"Nous reprenons du terrain", assure Marie Guévenoux
Invitée d'Europe 1 midi week-end, la ministre des Outre-mer, Marie Guévenoux a assuré que l'État "reprend du terrain", même si "la situation reste difficile". "C'est grâce aux forces de police, aux forces de gendarmerie qui font un travail vraiment très professionnel et nous permettent de récupérer un certain nombre de quartiers qui sont eux qui étaient jusque-là sous l'emprise des émeutiers", a-t-elle salué au micro d'Europe 1. "Au fur et à mesure que les jours passent, la situation à Nouméa et sur son agglomération s'améliore."
Actuellement dans l'archipel, la ministre des Outre-mer a toutefois pointé du doigt des "individus très radicalisés qui ne sont pas des militants politiques et font du trouble à l'ordre public de façon très sérieuse et très violente. Ils ont du mal à rentrer dans le rang et dans l'apaisement, et auquel s'agrège une forme de délinquance d'opportunité". À l'inverse, "les forces politiques en présence ont fait un communiqué de presse qui prend acte de la démarche du président de la République, qui veut s'inscrire dans le dialogue, qui appelle à une forme d'apaisement", a-t-elle rappelé au micro d'Europe 1.
"On maintient la résistance"
Le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) a lui-même admis samedi qu'"aujourd'hui, l'objectif principal du mouvement indépendantiste est d'apaiser les tensions et de trouver des solutions durables pour notre pays". Les indépendantistes réclament toujours le retrait de la révision constitutionnelle du corps électoral, risquant selon eux de minoriser encore plus les voix du peuple Kanak, que le gouvernement projetait encore récemment de faire voter en Congrès au mois de juin.
Tout en réclamant à nouveau l'abandon de cette loi qui a mis le feu aux poudres et déclenché le 13 mai des émeutes inédites en 40 ans, le FLNKS a dit prendre "acte du processus de désescalade proposé par le président de la République et des engagements demandés à chacune des parties de façon à pouvoir sortir de cette crise par le haut".
"En ce sens, le FLNKS renouvelle son appel au calme et demande également à desserrer l'étau sur les principaux axes de circulation de manière à ce que la population calédonienne puisse, de façon progressive, circuler librement, s'approvisionner et avoir accès aux services publics les plus élémentaires", écrit le mouvement indépendantiste. "On maintient la résistance dans nos quartiers", avait cependant lancé la veille Christian Tein, le chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste qui organise la contestation, dénonçant "la forte répression (...) que notre population est en train de subir".
"Policier en civil"
Le bilan des violences est passé vendredi à sept morts, le septième étant un homme de 48 ans dont l'identité n'a pas été communiquée, tué à Dumbéa (à côté de Nouméa) par un policier. Ce dernier a été placé en garde à vue. Il s'agissait "d'un policier en civil, qui n'était pas en service" et "a été pris à partie par une vingtaine d'individus dans le cadre d'un barrage", a précisé samedi Marie Guévenoux. "Il n'y a pas d'opérations de police qui ont mené à la mort de personnes et c'est extrêmement important de le souligner", a-t-elle poursuivi, alors que ce décès a suscité des craintes d'embrasement de la situation sur place, où le calme reste précaire au surlendemain de la visite du chef de l'État.
Entre les quartiers de Ducos et Kaméré, une dizaine de tractopelles s'activent samedi pour déblayer des amas de débris encore en feu, sous l'œil des gendarmes qui sécurisent la zone, a constaté une journaliste de l'AFP. Le Raid intervient le premier pour sécuriser le passage du convoi, sous le bruit incessant des pales d'un hélicoptère qui survole la zone. Des camions et balayeurs ferment la marche pour enlever les débris.
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La levée de l'état d'urgence n'est pas pour tout de suite, a confirmé Marie Guévenoux. Cela ne pourra être fait "qu'à la condition que les barrages soient levés et le calme revenu", "je crains qu'à l'heure où je vous parle, ce ne soit pas possible".
Le président de la République a donné jusqu'à fin juin aux élus et responsables politiques de l'archipel, aidés par une "mission de médiation" de trois hauts fonctionnaires dépêchés depuis Paris, pour trouver "un accord global" qui "puisse être soumis au vote des Calédoniens".