Pas de procès pour l'affaire Halimi : "On est dans la création judiciaire", estime Alain Bauer
Sur Europe 1, le professeur de criminologie Alain Bauer est revenu sur la décision de la Cour de cassation, qui a conclu à l'irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, le meurtrier de Sarah Halimi. "Jusqu'à présent, l'abus de stupéfiants était une circonstance aggravante, et c'est devenu une circonstance atténuante", remarque-t-il.
Dix jours après la décision, cette dernière continue de diviser. En confirmant l'impossibilité de traduire en justice le meurtrier de Sarah Halimi , compte-tenu de l'abolition de son discernement lors des faits, la Cour de cassation s'est attirée de vives critiques, dans la communauté juive et au-delà, et provoqué d'importants débats sur les liens entre troubles psychiatriques sur fond de consommation de drogue et responsabilité pénale. Invité samedi d'Europe 1, le criminologue Alain Bauer décrypte la portée d'une telle décision au regard du droit français.
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Pour Alain Bauer, il y a eu deux débats importants ayant mené à la décision de la Cour. Le premier, sur l'abolition du discernement. "Depuis toujours, l'article 122-1 du Code pénal prévoit que quand vous êtes fou, vous n'êtes pas responsable de ce que vous faites. Mais on a fait une nuance entre abolition pure et altération du discernement, en disant que l'altération est entre les deux et qu'on peut quand même être responsable", rappelle-t-il. Dans le cas de Kobili Traoré, qui avait tué la sexagénaire juive en 2017 à Paris, six experts au cours de l'enquête avaient conclu à l'abolition du discernement, quand le septième suggérait lui de retenir l'altération de ce discernement. En définitive, "les juridictions de jugement ont considéré qu'il y avait abolition", rappelle encore Alain Bauer.
"On est dans l'activisme judiciaire"
Mais pour le criminologue, la décision de la cour se démarque des décisions du même genre prises par le passé. "Ce qui est intéressant, c'est que les raisons de l'altération ou de l'abolition sont l'abus de stupéfiants qui, jusqu'à présent, était une circonstance aggravante, et qui est devenu une circonstance atténuante", analyse-t-il. Le tout, poursuit Alain Bauer, "avec une construction juridique extrêmement nouvelle et un peu curieuse, sur le thème : 'Certes, il utilisait beaucoup de stupéfiants, mais il ne pouvait pas savoir que ça aurait un effet qui pousserait à une pulsion délirante'."
"Là, je pense qu'on est dans ce qu'on appelle la création judiciaire, l'activisme judiciaire", conclut Alain Bauer. "Et que peut-être la Cour de cassation s'est laissée allée très loin dans son argumentaire, qui aurait pu se limiter au maintien de l'abolition."