Pollution : à quel moment la circulation différenciée est-elle mise en place ?

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Des contrôles antipollution avaient été effectués en janvier 2017 lors de la première mise en place de la circulation différenciée. © GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
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Paris et Lille seront soumis mercredi à un régime de circulation différenciée en raison de pics de pollution aux particules fines.
ON DÉCRYPTE

Après avoir imposé des limitations de vitesse lundi et mardi, la préfecture de police de Paris a décidé de renforcer pour mercredi le dispositif pour lutter contre la pollution de l'air. Il a ainsi été décidé la mise en place d'une circulation différenciée "à l'intérieur du périmètre délimité par l'A86", soit Paris et près de 70 villes de la grande couronne. "Seuls les véhicules munis d'une vignette Crit'Air de classe 0 à 3 pourront circuler dans ce périmètre", écrit la préfecture, sous peine d'amende (68 euros). La maire de Paris, Anne Hidalgo, n'a pas tardé à exprimer son contentement. 'Notre demande a enfin été entendue !", a-t-elle écrit sur son compte Twitter. "L'État accepte de mettre en place mercredi des restrictions de circulation pour les véhicules les plus polluants. Une bonne nouvelle pour tous les Parisiens et Franciliens qui sont victimes depuis une semaine des pics de pollution."

Depuis plusieurs jours, il y avait de l'eau dans le gaz entre la mairie de Paris et le gouvernement au sujet de cette lutte contre les pics de pollution sur la capitale. Anne Hidalgo et son adjoint aux Transports Christophe Najdovski n'ont eu de cesse d'appeler l'État et ses services à la responsabilité. Interrogé sur le sujet, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, avait estimé mardi, agacé, que "la pollution et la lutte contre la pollution atmosphérique devaient dépasser les clivages politiques". Ces échanges appellent plusieurs questions : dans quel cas la circulation différenciée doit-elle être mise en place ? Sur quels critères (Crit'Air ?) ? Et est-ce une mesure efficace ?

Qui décide de mettre en place la circulation différenciée ?

Vous l'aurez sans doute compris à la réaction d'Anne Hidalgo : ce ne sont pas les mairies qui décident de mettre en place la circulation différenciée mais les services de l'État, à savoir les préfets dans les régions et les départements, et, dans le cas de Paris, le préfet de police également. Avant 2017, on parlait de circulation alternée. Seuls les véhicules dont la plaque d'immatriculation se terminait par un chiffre pair (ou impair) avaient le droit de circulation. Désormais, depuis la mise en place du certificat qualité de l'air, qui atteste des émissions de polluants sur la base d'une norme européenne, seuls les véhicules les plus polluants sont concernés par la mesure, qui a déjà été déclenchée à trois reprises depuis janvier 2017. Mercredi, les voitures qui ont une vignette Crit'Air de classe 4 ou 5 ne pourront pas circuler.

À Paris, mais pas seulement. La mesure de circulation différenciée n'a pas seulement cours à Paris. Elle a été ou peut être désormais appliquée à Grenoble, Lyon, Lille (ce sera le cas également mercredi), Strasbourg, Toulouse et Rennes.

À partir de quel moment est-elle mise en place ?

Pour justifier sa décision de mettre en place la circulation différenciée mercredi, la préfecture de police explique : "Airparif, association de surveillance de la qualité de l'air en Île-de-France, prévoit pour la journée de demain, mercredi 27 février, un dépassement du seuil d'information et de recommandation". À quoi correspond ce seuil d'information et de recommandation ? Il s'agit du chiffre de la concentration en particules fines (ou PM10) dans l'air en Île-de-France, fixé à 50 μg/m3 (microgrammes/mètres cube), "au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine de groupes particulièrement sensibles". Le niveau d'alerte aux particules fines, qui concerne "l'ensemble de la population", est lui fixé à 80 μg/m3. C'est d'ailleurs en s'appuyant sur ces chiffres que la préfecture de Paris avait justifié lundi son choix de ne pas avoir recours à la circulation différenciée pour la journée de mardi, arguant qu'Airparif avait prévu pour mardi des taux entre 40 et 50 μg/m3, soit une tranche située en-dessous du niveau d'information.

La semaine dernière, pourtant, la concentration en particules fines a dépassé trois fois ce seuil des 50 μg/m3, de mercredi à vendredi, sans que la préfecture ne prenne la décision d'avoir recours à la circulation différenciée, se contentant d'obliger à une réduction de la vitesse maximale autorisée (mesure qui reste d'ailleurs en vigueur pour mercredi). Une solution critiquée par les militants écologistes, qui ne l'estiment pas assez contraignante (les radars automatiques n'étant pas réajustés) et peu efficace sur certaines portions de route (si l'effet est "positif" sur les axes les plus rapides selon un rapport de l'Ademe, il est faible voire négatif sur les voies limitées initialement à 90 km/h). De là à dire que la pression exercée par la mairie de Paris a fini par porter ses fruits…

Une chose est néanmoins à souligner : la préfecture prend sa décision avec les élus (mairie, conseil général, conseils départementaux) mais pas seulement. Dans son communiqué de vendredi dernier, elle soulignait ainsi avoir consulté un comité technique composé d'Airparif, Météo France - les absences de vent ou de pluie sont souvent un facteur d'aggravation de la qualité de l'air -, la DRIEE, la direction régionale et interdépartementale de l'Environnement et de l'Énergie, le laboratoire central de la préfecture de police, la DRIAAF, la direction régionale de l'agriculture et de la forêt, l'ARS, l'agence régionale de santé, ou encore Île-de-France mobilités (qui peut proposer en cas de pollution un forfait quotidien de déplacement sur la région à 3,80 euros).

Par ailleurs, les particules fines ne sont pas le seul polluant qu'AirParif mesure dans le ciel de la capitale. Il y a également l'ozone (O3), le dioxyde de soufre (SO2) et le dioxyde d'azote (NO2), qui ont eux aussi chacun leur seuil d'information et d'alerte. C'est d'ailleurs pour lutter contre le NO2 que la circulation alternée avait été mise en place pour la première fois, en 1997.

La mesure a-t-elle des effets concrets sur la pollution ?

En mai 2014, deux mois après la mise en place de la circulation alternée le lundi 17 mars, Airparif avait publié un bilan de huit pages sur l'efficacité de la mesure, décidée après un pic de pollution aux particules fines. "En fonction des conditions météorologiques et de la part des émissions liées au trafic routier, l'efficacité d'une circulation alternée est plus ou moins grande", expliquait Airparif. "Toutes les conditions météorologiques ne sont pas propices à la mise en place d'une telle mesure. Les meilleurs résultats peuvent être attendus lorsqu'il y a un anticyclone, peu de vent et une forte inversion de température. Ces conditions n'étaient pas complètement réunies lors de la journée du 17 mars. Malgré tout, une réelle diminution de l'exposition aux particules et une diminution encore plus forte de l'exposition au dioxyde d'azote liée à la mise en place de l'action a pu être relevée lors de cette journée."

Airparif ne cachait rien des difficultés à mesurer précisement les effets de la mesure, notamment concernant le comptage des voitures en circulation d'un jour à un autre. Elle notait néanmoins que la baisse des taux des polluants était surtout perceptible le soir (jusqu'à 23% de moins pour l'oxyde d'azote). Airparif rappelait dans la conclusion de son bilan que la mesure devait être affinée, avec notamment une prime aux véhicules moins polluants, ce qui est désormais le cas avec la vignette Crit'Air.

Des effets connus, ceux de l'air pollué sur la santé. Si les effets de la circulation différenciée sur la diminution des taux de pollution demandent encore à être précisés, on connaît en revanche les dégâts qu'un air pollué peut avoir sur la santé. Airparif rappelle que les particules fines ont été "classifiées comme cancérigènes", qu'il existe "une relation entre l'augmentation du risque de cancer du poumon et l'augmentation du niveau d'exposition aux particules et à la pollution de l'air" et que "la pollution de l'air est déjà connue pour augmenter les risques de nombreuses maladies, telles que respiratoires et cardiovasculaires".