Les organisations non gouvernementales Sherpa et Peuples solidaires ont annoncé jeudi le dépôt au parquet de Paris d'une plainte contre le géant coréen de l'électronique grand public Samsung pour pratiques commerciales trompeuses. La plainte vise la maison mère et sa filiale Samsung Electronics France (SEF) et s'inscrit dans l'esprit de la loi française de mars 2017 sur le devoir de vigilance des grandes sociétés à l'égard des droits humains et de l'environnement.
Les usines de Chine et de Corée du Sud visées. Les deux ONG accusent le groupe de continuer à violer les droits fondamentaux de ses salariés dans ses usines de Chine et de Corée du Sud, notamment en matière de conditions de travail, en contradiction avec les engagements éthiques dont le groupe a fait un argument commercial. "Nous demandons à la justice de sanctionner cet écart inacceptable entre ces engagements éthiques et la réalité constatée dans les usines telle que décrite par les ONG de terrain", déclare Sherpa dans un communiqué.
Sur son site internet, Samsung s’engage notamment à "respecter les lois et les réglementations locales" et "à appliquer un strict code de conduite" à son personnel. Le groupe dit ainsi vouloir "devenir l’une des entreprises les plus éthiques au monde" et faire de la "gestion éthique" un moyen de "construire la confiance" avec ses clients, employés, actionnaires et partenaires professionnels.
"Horaires abusifs", "tâches dangereuses". Selon Sherpa et Peuples solidaires, qui s'appuient sur les constats faits sur place depuis plusieurs années par des ONG, dont China Labor Watch (CLW), ces principes sont cependant battus en brèche par les pratiques de Samsung. Dans leur plainte, elles dénoncent le recours au travail de jeunes de moins de 16 ans, des horaires abusifs, des conditions de travail "incompatibles avec la dignité humaine", dans des usines où sont fabriqués des produits exportés en France, en particulier des smartphones. "Les salariés sont fréquemment contraints d'effectuer des tâches dangereuses sans protection adéquate", lit-on également dans ce document de près de 40 pages, qui fait aussi état de cas d'empoisonnement au benzène et au méthanol.
Créer une jurisprudence. "Nous voudrions que la justice reconnaisse que ces engagements éthiques relèvent bien de pratiques commerciales et sont trompeurs quand ils ne sont pas respectés", explique à Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux à Sherpa. "Nous voudrions créer une nouvelle jurisprudence." Une première plainte de Sherpa, limitée à SEF, avait été classée sans suite en 2014. La filiale française de Samsung s'était alors défaussée de sa responsabilité sur la maison mère.
Marie-Laure Guislain juge les conditions réunies pour que la nouvelle plainte aboutisse au moins à l'ouverture d'une enquête, grâce aux nouveaux éléments recueillis depuis la première, dont les cas d'empoisonnement au méthanol et au benzène.