Avec 72.809 personnes derrière les barreaux, le nombre de détenus en France s'établit à un niveau record en novembre, au-delà de celui enregistré juste avant le confinement mi-mars 2020. Le "fol espoir" de résorber définitivement le surpeuplement structurel des prisons, comme l'avait enjoint la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) à la France en janvier 2020, s'envole donc. Selon les données statistiques du ministère de la Justice, les établissements pénitentiaires français comptaient au 1er novembre 72.809 détenus pour 60.698 places opérationnelles, soit une densité carcérale de 120%. Elle était de 115,4% il y a un an.
Le précédent record (72.575 détenus) datait de mars 2020, à la veille du confinement décidé pour lutter contre la pandémie de Covid-19 et qui avait entraîné une chute drastique du nombre de prisonniers. Il y avait eu moins d'entrées en détention et des mesures de libérations anticipées. Depuis, les statistiques sont remontées régulièrement jusqu'à frôler ce plus-haut historique le mois dernier, avec 72.350 personnes incarcérées au 1er octobre.
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2.997 prisonniers supplémentaires en un an
Cette tendance, un mal structurel qui avait valu à la France en janvier 2020 une condamnation de la CEDH, va à rebours de celle enregistrée dans les voisins européens de la France où le taux d'incarcération a baissé ces dix dernières années : -12,9% en Allemagne, -17,4% aux Pays-Bas.
Sur une année, on dénombre 2.997 prisonniers en plus en France, ils étaient 69.812 au 1er octobre 2021, soit une hausse de 4,3%. Selon les chiffres officiels du ministère, 15.469 détenus sont actuellement en surnombre par rapport aux places disponibles dans les établissements pénitentiaires (contre 13.170 il y a un an). En raison de cette surpopulation, 2.225 sont contraints de dormir sur des matelas posés à même le sol.
56 prisons avec une densité supérieure à 150%
3,5% des personnes incarcérées sont des femmes et 0,8%, des mineurs. Plus du quart des détenus (26,9%) sont des prévenus, c'est-à-dire des personnes en attente de jugement et donc présumés innocents. La densité carcérale dans les maisons d'arrêt, où sont incarcérés ces prévenus et les condamnés à de courtes peines, grimpe à 142,8%. Cinquante-six prisons françaises affichent une densité supérieure à 150% (51 en métropole et cinq en Outre-mer). Cette densité dépasse même 200% dans six établissements (contre trois le mois dernier) : Carcassonne (215,6%), Nîmes (214,5%), Perpignan (204,6%), Foix (203,1%), Majicavo à Mayotte (200,9%) et Bordeaux-Gradignan.
Dans ce dernier centre pénitentiaire du Sud-Ouest, elle grimpe à 206,6% : 350 places opérationnelles pour 723 détenus, et à la clé des conditions de vie régulièrement dénoncées.
L'Observatoire international des prisons (OIP), l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux et une association de défense des droits des détenus (A3D), ont tenté des actions en justice pour faire cesser cette "atteinte grave et massive aux droits fondamentaux des personnes détenues". Le Conseil d'Etat a rejeté leur requête le 11 novembre dernier. En 2020, la CEDH avait rendu un arrêt sévère, demandant à la France de résorber la surpopulation carcérale et offrir un véritable recours aux détenus qui en souffrent. Elle ne lui avait toutefois pas intimé d'agir, comme elle l'avait fait pour l'Italie ou la Hongrie.