Jugés dans une affaire de marchés publics truqués, le sénateur Jean-Noël Guérini a été condamné vendredi à Marseille à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis qui seront purgés à domicile sous bracelet électronique, et son frère Alexandre à six ans de prison ferme. "Vous n'avez eu de cesse de protéger les intérêts de votre frère", a lancé la présidente du tribunal Céline Ballerini à l'adresse de Jean-Noël Guérini, ex-homme fort du Parti socialiste des Bouches-du-Rhône, qui a également été condamné à 30.000 euros d'amende et cinq ans de privation des droits civiques et civils, et donc d'inéligibilité.
"De graves atteintes à la confiance publique"
Cela signifie qu'il devrait démissionner, de fait, de ses mandats de sénateur et de conseiller départemental. Mais il peut engager une procédure à ce sujet auprès de la Cour d'appel. Un mandat de dépôt différé a par ailleurs été délivré à l'encontre de son frère Alexandre, entrepreneur dans la gestion des déchets qui devra se présenter de lui-même en prison. Il s'est en outre vu interdire de gérer une entreprise pendant cinq ans et a été privé de ses droits civiques durant la même période. "Vous n'agissiez pas l'un sans l'autre", leur a lancé la juge, évoquant aussi "de graves atteintes à la confiance publique".
"Ils ont fait du clientélisme un mode de gouvernance", avait fustigé le parquet le 7 avril, requérant quatre ans d'emprisonnement dont deux ferme, 70.000 euros d'amende et une inéligibilité de cinq ans contre l'élu, âgé de 70 ans. Contre son frère cadet Alexandre le procureur avait demandé huit ans ferme avec mandat de dépôt et 500.000 euros d'amende.
Un dossier tentaculaire
Une relaxe a été prononcée vendredi, et des peines allant de six mois de prison avec sursis à 18 mois de prison dont six ferme et 80.000 euros d'amende contre les huit autres prévenus. Un neuvième est mort depuis la fin du procès. Elus, fonctionnaires territoriaux, dirigeants de sociétés et la société d'Alexandre Guérini, la "SMAE", tous étaient soupçonnés d'avoir participé au "système Guérini".
L'ancien président du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, était jugé pour avoir préempté un terrain à La Ciotat (est de Marseille) sous le prétexte d'y sauvegarder une plante rare, le liseron duveteux, puis de l'avoir revendu à la communauté d'agglomération Garlaban Huveaune Sainte-Baume (GHB) pour favoriser son frère qui en avait besoin pour l'extension d'une décharge. Alexandre Guérini était quant à lui accusé d'avoir profité de la position de son frère pour faire pression sur des élus ou des fonctionnaires afin de contourner les procédures de marchés publics, s'enrichir, éliminer des concurrents ou favoriser des proches.
Ce dossier tentaculaire, ouvert en 2009 et qui comptait 30 volets, s'était considérablement réduit, après 11 ans d'instruction, le juge ne retenant plus que 10 dossiers. La mise en examen du patron du département en 2011 avait provoqué un séisme au sein de la puissante fédération socialiste des Bouches-du-Rhône que Jean-Noël Guérini contrôlait d'une main de fer. Des ténors du parti avaient demandé son exclusion. Acculé, il avait quitté en 2014 le parti où il militait depuis 1967 et créé un nouveau mouvement, la Force du 13.