C’était une première depuis dix ans et les fonctionnaires ont répondu présent. Appelés à la grève par l’ensemble des syndicats du secteur, les agents de la fonction publique étaient des centaines de milliers à manifester mardi dans les rues de France : selon le ministère de l'Intérieur, 209.000 personnes étaient présentes ont battu le pavé dans tout le pays, quand la CGT avance le chiffre d'au moins 400.000 manifestants. Cette mobilisation unitaire de fonctionnaires a donc réuni plus de manifestants que lors des deux journées d’action contre la réforme du code du travail, qui réunissaient les secteurs public et privé. Ce n’est pas un déferlement massif, mais les syndicats peuvent se satisfaire de la mobilisation, même s’il aurait pu y avoir plus de monde à Paris (voir encadré).
Nombreuses perturbations. Comme attendu, les perturbations dans le service public ont impacté les Français. Les 17,5% d’enseignants en grève (plutôt entre 35 et 50% selon les revendications des syndicats) ont causé l’annulation de cours dans de nombreuses écoles mais c’est surtout l’absence de cantine et d’activités périscolaires qui a gêné les parents, contraints d’aller chercher leurs enfants toutes les deux heures ou de trouver un moyen de les garder toute la journée. Dans les transports, les trains ont circulé normalement mais l’aérien a été plus touché, avec 30% de vols annulés préventivement à cause de la grève des contrôleurs aériens.
Les syndicats ensemble mais pas main dans la main. Après avoir échoué à se mettre d’accord lundi soir pour une future mobilisation unitaire contre la réforme du code du travail, les leaders des principaux syndicats étaient bel et bien présents pour appuyer la colère des fonctionnaires. Mais derrière l’unité de façade sur le sujet, les divisions demeurent. Ainsi, il n’y a pas eu de photo de famille puisque chacun a manifesté dans son coin : Philippe Martinez (CGT) à Paris, Laurent Berger (CFDT) à La Roche-sur-Yon et Jean-Claude Mailly (FO) à Lyon.
Les partis politiques se montrent. Union et désunion, c’était aussi le crédo des politiques. Pour la première fois depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, l’ensemble des partis et mouvements de gauche avaient appelé à manifester. Du Parti socialiste à la France insoumise en passant par le Mouvement du 1er Juillet de Benoît Hamon et le Parti communiste, tout le monde a montré ses couleurs dans les défilés. Mais c’était plutôt chacun de son côté, avec des revendications différentes. La gauche traditionnelle était concentrée sur les fonctionnaires alors que chez les partisans de Jean-Luc Mélenchon et les amis de Philippe Poutou protestaient contre la "casse sociale" du gouvernement, à commencer par la réforme du code du travail.
Les "héros du quotidien". Du côté du gouvernement, pas de concessions, même si Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des comptes publics, s’est montré particulièrement à l’écoute lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Qualifiant les fonctionnaires de "héros du quotidien", il a tenu une nouvelle fois à les rassurer, rappelant qu’ils ne subiraient pas de baisse de leur pouvoir d’achat.
Le cortège parisien émaillé de violences. A Paris, la manifestation, qui ralliait République à Nation, s’est déroulée dans un calme très relatif. Avant le départ du défilé, trois individus ont été interpellés pour port d'armes (poing américain) et port d'armes par destination (marteau). Mais dès le début de la manifestation, "200 éléments à risque vêtus de noir et cagoulés (…) se sont livrés à des dégradations de mobilier urbain et à des jets de projectiles en direction des forces de l’ordre", indique la préfecture de police.
Plus tard, des casseurs cagoulés s’en sont pris violemment à une agence bancaire HSBC, située avenue Daumesnil, obligeant les forces de l’ordre à intervenir en utilisant du gaz lacrymogène. Au total, trois agences ont été vandalisées sur le parcours. Huit personnes ont été interpellées dans la capitale, tandis que "trois membres des forces de l’ordre ont été blessés ainsi que deux personnes parmi les manifestants "
Et maintenant ? La mobilisation pour les fonctionnaires n’est peut-être pas finie. Les syndicats de la fonction publique seront reçus en début de semaine prochaine par Gérald Darmanin pour faire le point. En fonction de l’issue de la réunion, si la grogne persiste, le mouvement de grève pourrait être renouvelé. Mais surtout, les syndicats pourraient profiter du succès de la mobilisation des fonctionnaires pour relancer la contestation des ordonnances de la réforme du travail. "On se retrouvera le 24 octobre avec les autres syndicats pour décider d'une journée de mobilisation courant novembre", a indiqué Jean-Claude Mailly. "On n'est pas tous sur la même longueur d'ondes", a-t-il reconnu.
Les chiffres de participation dans les principaux cortèges (police / organisateurs) :
Paris : 26.000 / 45.000
Toulouse : 7.500 / 20.000
Marseille : 2.000 / 3.000
Lyon : 6.400 / 12.000
Bordeaux : 5.000 / 10.000
Nantes : 5.500 / 8.000
Rouen : 3.900 / 9.000
Brest : 4.000 / 5.000
Rennes : 3.800 / 6.000
Montpellier : 3.500 / 6.000
Lille : 3.000 / 4.000
Strasbourg : 2.200 / 3.500
Nice : 1.900 / 4.000