Sera-t-il dans le box des accusés aux côtés de Salah Abdeslam, lors du procès des attentats du 13-Novembre ? Il est trop tôt pour le dire. Mais la France a franchi un pas dans ce sens, mardi, en réclamant à la Turquie la remise d'Ahmed Dahmani, 28 ans, logisticien présumé de la cellule à l'origine des attaques parisiennes, et dont le nom ne cesse de revenir dans le dossier. De la quinzaine de suspects mis en examen ou visés par un mandat d'arrêt international dans cette enquête, il est l'un de ceux qui pourrait détenir le plus de réponses.
Première arrestation à 12 ans. Né au Maroc en 1989, Ahmed Dahmani grandit à Bruxelles, notamment dans le quartier de Molenbeek, où ont transité la majorité des membres des "commandos" du 13-Novembre. Selon LCI, le jeune homme, naturalisé Belge en 2005, trouve longtemps son équilibre et son hygiène de vie dans la boxe, avant de perdre sa licence à cause d'un contrôle de dopage positif au cannabis. "Il ne pouvait plus combattre. C'était pourtant un des seuls endroits où il était encore présent dans la société", témoignait son ancien entraîneur après les attentats parisiens.
En parallèle, Ahmed Dahmani se forge un impressionnant parcours de délinquant. Vols, trafic, violences, port d'armes, exhibitionnisme... Selon Le Parisien, son nom apparaît dans pas moins de 51 affaires différentes en Belgique. Lors de sa première arrestation, le Belgo-Marocain n'est âgé que de 12 ans.
Ami de Salah Abdeslam. À Bruxelles, Ahmed Dahmani côtoie deux des deux principaux protagonistes de l'enquête des juges d'instruction français : Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos parisiens, et Mohamed Abrini, "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles, du 22 mars 2016. Avec le premier, il joue au Casino et effectue de nombreux déplacements à travers l'Europe. Trois mois avant les attentats, le 4 août 2015, les deux hommes sont contrôlés ensemble alors qu'ils embarquent sur un ferry pour l'Italie.
C'est en raison de cette proximité, confirmée par des centaines de contacts téléphoniques, que les enquêteurs s'intéressent au jeune homme après les attentats de Paris. Mais Ahmed Dahmani, qui devait être placé sous surveillance électronique dans un dossier de droit commun le 16 novembre, s'est envolé depuis Amsterdam pour la Turquie dès le 14.
Condamné en Turquie. Une semaine après son arrivée sur le sol turc, le Belgo-Marocain est arrêté avec un faux passeport à Antalya, aux côtés de deux passeurs qui tentaient de l'exfiltrer en Syrie. Selon une source proche du dossier, les deux mêmes passeurs étaient en contact avec Bilal Hadfi, l'un des kamikazes du Stade de France, entrés en Europe dans le flux des migrants, ainsi qu'avec deux autres suspects poursuivis dans le dossier. La justice turque l'a condamné à 10 ans et neuf mois de prison pour appartenance à une organisation terroriste et usage de faux.
Depuis, l'enquête a établi qu'Abdeslam, détenu en France et muré dans le silence, a convoyé une dizaine de membres de la cellule djihadiste, entrés en Europe par la Grèce. Ahmed Dahmani était-il présent lors de ces trajets ? C'est l'une des questions que soulèvent les investigations. Autre élément incriminant à l'égard du suspect incarcéré en Turquie : un papier retrouvé à son domicile, comportant l'adresse et les horaires du magasin français où Salah Abdeslam a acheté des produits entrant dans la confection d'explosifs TATP en 2015. Lors de la même perquisition, la police a aussi trouvé un drapeau islamique et des documents de propagande salafiste.
Devant un match de foot. Si le mandat d'arrêt délivré mardi permettait un transfert d'Ahmed Dahmani en France, les enquêteurs pourraient l'interroger sur son rôle précis au sein de la cellule, mais aussi sur ses liens avec ses différents membres : comme le rappelle Le Point, d'autres membres du club de boxe que fréquentait le Belgo-Marocain sont soupçonnés d'être impliqués dans le dossier du 13-Novembre.
Mohamed Abrini, filmé transportant un sac d'explosifs à l'aéroport bruxellois de Zaventem juste avant l'attentat dans le terminal, décrit quant à lui Dahmani comme un ami d'enfance. Ce dernier l'avait déposé à l'aéroport en juin 2015 lorsque "l'homme au chapeau" était parti en Syrie. Selon Abrini, le soir du 13-Novembre, les deux hommes étaient ensemble dans un café à regarder un match de foot.