Médiéviste reconnu et père d'une nouvelle approche historique, Marc Bloch, dont Emmanuel Macron a annoncé la panthéonisation, a été un citoyen profondément engagé. Soldat des deux guerres mondiales, patriote, antifasciste, fervent républicain et résistant, il a été fusillé par les Nazis en 1944.
Un juif athée, fidèle à la République
Sa famille est juive, non pratiquante. "Marc Bloch n'avait foi qu'en une seule idée, la République", souligne auprès de l'AFP sa petite-fille, Suzette Bloch. Lui, disait qu'il ne revendiquait sa judéité que "dans un cas : en face d'un antisémite". Né le 6 juillet 1886 à Lyon, Marc Bloch grandit à Paris où son père, historien lui aussi, va enseigner l'histoire ancienne à la Sorbonne. Elève brillant, reçu à l'Ecole normale supérieure, il obtient l'agrégation d'histoire-géographie et enseigne en lycée.
"Passionné de la République" et grand patriote qui a signé dans les années 1930 le manifeste des intellectuels antifascistes, ce juif athée, Poilu de la guerre 14-18, est à nouveau mobilisé en 1939. A sa demande, alors qu'il a 53 ans, six enfants et souffre d'une polyarthrite invalidante. "Je suis le plus vieux capitaine de l'armée française", disait-il.
Petit et mince, allure distinguée, fines lunettes cerclées d'intellectuel, cet homme d'abord parfois glacial tirera de la débâcle de 1940, il tire un ouvrage incisif : L’Étrange défaite. Ce récit, est une analyse sans concession des causes de cet effondrement historique. Il s'agit de son ouvrage le plus connu, publié à titre posthume après-guerre et racontant de l'intérieur, de façon implacable, "le plus atroce effondrement de notre histoire".
Passionnément républicain et profondément patriote, cet intellectuel juif et athée s'est illustré comme soldat dans les deux guerres mondiales. Malgré une santé fragile, il se mobilise en 1939 à 53 ans, incarnant un dévouement inébranlable à son pays. Issu d'une famille juive non pratiquante, Marc Bloch n’avait foi qu’en une seule idée : la République. Il revendiquait sa judéité uniquement face à l’antisémitisme, tout en restant farouchement attaché aux valeurs républicaines.
La fondation des "Annales", un tournant pour l'histoire
En 1929, il cofonde avec Lucien Febvre la revue Annales d'histoire économique et sociale, qui devient un pilier de l'école historiographique française. Cette revue influencera durablement les historiens à travers le monde, en révolutionnant les méthodes et les sujets d'étude. "C'est le fondateur de l'histoire des mentalités, des croyances, des façons de penser", résume pour l'AFP l'historien Julien Théry. Avec notamment son maître-livre Les Rois thaumaturges (1924), il donne "à l'Histoire un autre objet que les grands noms, les grands événements, les batailles".
Ses méthodes pionnières permettent une nouvelle approche, avec "une Histoire qui s'intéresse aux profondeurs de la société" et saisit l'homme dans tous ses aspects. "Il préfigure Fernand Braudel" et son "Identité de la France", ajoute Julien Théry.
Une carrière interrompue par l'exclusion et la guerre
Après la guerre, où il s'illustre (Légion d'honneur et croix de guerre avec quatre citations), il épouse Simonne Vidal, fille d'un polytechnicien, dont il a six enfants. Il est nommé professeur à l'université de Strasbourg puis, en 1936, à la Sorbonne. C'en est fini quand les Allemands envahissent la zone libre en novembre 1942. Avec les siens, il se réfugie dans la maison familiale de la Creuse avant de faire une nouvelle fois le choix de cette France qu'il aime tant. "La France, dont certains conspireraient à m'expulser demeurera, quoi qu'il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon coeur", écrit-il.
Il rejoint la Résistance, plonge dans la vie clandestine à Lyon, intègre le mouvement Franc-Tireur. Sous le pseudonyme de "Chevreuse", puis d'"Arpajon" et "Narbonne", il constitue les Comités de la Libération de la région. Il est arrêté le 8 mars 1944, interné à la prison de Montluc et torturé pendant des jours. En captivité, il redevient enseignant et instruit ses camarades d'infortune. "Si j'en réchappe, je reprendrai mes cours", leur confie-t-il.
Arrêté en mars 1944, il est torturé avant d’être exécuté par la Gestapo le 16 juin 1944, avec 29 autres résistants.
"Dilexit veritatem" : l'héritage spirituel de Marc Bloch
"Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France", résumait-il dans L'Etrange défaite, "ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération".
Il est finalement fusillé par la Gestapo le soir du 16 juin 1944 dans un champ broussailleux près de Lyon. Exécuté à la mitrailleuse, dans le dos. Avec 29 autres camarades, suppliciés par groupes de quatre. Ses cendres sont transférées en 1977 dans le caveau familial du cimetière du Bourg-d'Hem (Creuse) avec une épitaphe qui résume son engagement : Dilexit veritatem (J’ai chéri la vérité). Ces mots, issus de son Testament spirituel écrit en 1941, témoignent de sa quête inlassable de vérité et de justice.