>>> Il y a quelques mois, la plupart des Français n'avait jamais entendu parler de coronavirus. Le mot est aujourd'hui prononcé sans y faire attention, tant il s'est glissé dans chaque sphère de nos existences. Entre temps, la France s'est crue protégée et a organisé des élections municipales avant de faire volte-face, en cloîtrant, comme une bonne partie du monde, sa population. A la veille d'une nouvelle étape marquée par le début du déconfinement, Europe 1 retrace cette période inouïe dans cet article et dans un podcast, dont tous les épisodes sont à retrouver ici.
Wuhan. Le nom de la ville, située à 1.000 km au sud de Pékin, est désormais familier : c'est celui du point de départ du virus. Au milieu du mois de décembre, trois patients y sont déjà hospitalisés. Mais les autorités chinoises n’alertent l’Organisation mondiale de la Santé que deux semaines plus tard. La piste privilégiée est celle d'un virus d’origine animale : il proviendrait d'un marché ouvert sont vendues illégalement des chairs fraîches comme du serpent, du chameau ou du pangolin.
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À Wuhan, un mystérieux virus qui rappelle le SRAS
A Pékin, on veut éviter un vent de panique. "On s'assure que les personnes ne sont pas malades et n'ont pas de fièvre avant de les laisser partir, on examine leurs poumons", raconte un médecin chinois au micro d'Europe 1. Quel est ce mystérieux virus ? A quoi ressemble-t-il ? A ce moment-là, on sait peu de choses. Selon des scientifiques chinois, il semble moins puissant mais plus contagieux que son cousin, le SRAS, détecté en 2003.
Mi-janvier, le coronavirus a déjà infecté plus de 4.000 personnes dont une quarantaine à l’étranger, dans 18 pays. Mais cinq millions de personnes environ quittent Wuhan pour fêter le Nouvel An chinois dans le reste du pays, ou à l’étranger. C'est une bombe à retardement. La France a encore trois liaisons aériennes par semaine avec la ville : elle n’a alors pas pris la mesure du danger, comme la plupart des pays occidentaux. Pour l’instant, on observe.
"L'ampleur de l'épidémie du SRAS c'était 8.000 personnes, il y avait eu 800 morts", compare alors Arnaud Fontanet, professeur à l'Institut Pasteur sur d'Europe 1. "C'étaient des pneumopathie probablement plus sévères que ce que l'on voit aujourd'hui avec ce virus. Il est difficile de savoir aujourd'hui encore quelle efficacité aura la transmission interhumaine, et donc à quelle vitesse cette épidémie va progresser."
Fin janvier, deux premiers cas décelés dans l'Hexagone
Comment endiguer la propagation du virus ? L’Organisation mondiale de la santé se penche sur la question le 22 janvier. Ce même jour, Agnès Buzyn, ministre française de la Santé, se dit confiante. "Le risque d'introduction est faible mais il ne peut être exclu", déclare-t-elle. "Nous avons mis au point un test, dans un temps record, qui permet en France de diagnostiquer très rapidement, dans la journée, les malades potentiels."
Deux jours plus tard, le 24 janvier, les premiers cas sont déclarés en France : deux à Paris et un à Bordeaux. Il s'agit de touristes chinois originaires de Wuhan et d'un Français d’origine chinoise, passé par la même ville.
Au même moment, les autorités chinoises reconnaissent que le virus pourrait muter et se propager plus facilement. 40 millions de Chinois sont désormais confinés, et Pékin se referme sur elle-même. "Chez moi, dans l'ascenseur, il y a des affiches qui nous conseillent de sortir le moins possible", témoigne sur Europe 1 un habitant de la capitale. "On ne pourra rien faire pendant ces vacances du Nouvel An. Dans le métro, il n'y a presque personne. Tout le monde porte un masque."
L’épidémie fait désormais la Une de l’actualité internationale. A l’aéroport de Roissy fin janvier, une équipe de 46 médecins accueille tous les passagers arrivant de Chine, pour les prendre en charge si besoin. "Ils nous ont donné de nombreux conseils pour éviter de tomber malades, il nous ont dit de faire attention à notre température tout le temps", témoigne un voyageur sur notre antenne. Pour le gouvernement et les Français, c’est encore un problème lointain, pas vraiment une menace. Ce ne sera plus le cas très longtemps.
Porter un masque, "totalement inutile" selon Agnès Buzyn
L’information est partout : l’Organisation Mondiale de la Santé classe l’épidémie comme une "urgence de santé publique" le 30 janvier et elle appelle le monde entier à agir. La France est-elle prête ? Dès la fin du mois de janvier, se pose une question qui, au fil des jours, va devenir l’un des problèmes majeurs : le nombre de masques. Les pharmacies ont été dévalisées.
En Asie, porter un masque est une habitude et c’est une solution pour endiguer l'épidémie. Et en France ? "C'est totalement inutile", affirme la ministre de la Santé Agnès Buzyn. "Ce sont des masques utiles quand on est soi-même malade, pour éviter d'envoyer des microbes. Aujourd'hui, il n'y a aucune indication pour la population française à acheter des masques." La réalité, c’est qu’on n'a pas de masques. En tout cas pas suffisamment. Le pays en a un stock de 600 millions du modèle FFP2, de quoi tenir 10 jours seulement.
Le 31 janvier, un mystérieux vol venant de Chine atterrit dans le Sud de la France. 181 Français rapatriés de Wuhan sont conduits dans un centre de vacances près de Marseille, pour être isolés pendant 14 jours, au rythme de séances de yoga et de prise de température quotidienne. "Ils sont en bonne santé, quand ils vont partir, ils seront en pleine forme", commente alors le maire de la ville au micro d'Europe 1.
Une semaine plus tard, le 8 février, c’est la panique dans une station de ski de Haute-Savoie, à Contamine-Montjoie, le tout premier village français touché. Cinq Britanniques sont atteints du Coronavirus. Le maire fait fermer les écoles, tandis que l'on cherche à retrouver en urgence ceux qui ont été en contact avec les personnes contaminées. "On ne va quand même pas s'enfuir : on va se laver les mains, on va éviter de se faire tousser dessus et on va s'amuser pendant nos vacances", réagit une touriste sur notre antenne.
Le faux espoir d'une éradication du virus en France...
Mi-février, c’est en France que le Coronavirus fait sa première victime hors d’Asie, avec la mort d’un touriste chinois de 80 ans. Mais toujours aucun Français. Nous continuons à nous croire invincibles. Pendant ce temps, l’OMS refuse de parler de pandémie, mais s’inquiète de nouveaux cas en dehors de Chine, sans liens directs avec des porteurs de la maladie.
Jusqu’à la fin février la France pense être épargnée. Dans son point presse quotidien, le nouveau ministre de la santé Olivier Véran assure le 24 février que le dernier patient atteint du Covid-19 est guéri et peut rentrer chez lui. "Il n’y a plus de circulation du virus sur le territoire national", affirme-t-il.
Mais le lendemain, un premier citoyen français meurt du Covid-19. C’est un professeur de 60 ans, habitant de l’Oise. Et dans le voisinage, c’est la stupeur chez les habitants. "Ça se propage trop vite. Il n’a pas voyagé, d'où il a attrapé ça ?", s'interrogent-ils sur Europe 1.
Conséquence inattendue du début d'épidémie, la défiance des Français monte envers les personnes asiatiques. "Deux filles qui portaient un masque de protection m'ont dit qu'elles ne s'approchaient pas de moi parce que je suis asiatique et qu'elles avaient peur d'attraper la maladie", témoigne un Cambodgien sur Europe 1.
... Et l'explosion du nombre de cas en Italie
Chez nos voisins, de l’autre côté des Alpes, c’est la panique : en Italie, le nombre de cas est multiplié par 10 chaque jour. En France, le ministère de la Santé annonce un nombre de cas jusqu’alors jamais atteint : 57 personnes contaminées.
Face à la pénurie de masques, le ministère de la santé demande aux quatre entreprises qui les fabriquent en France de lui réserver une plus grande partie de leur production. "Le masque est inutile si vous n’êtes pas malade", martèle alors le ministre de la Santé… Mais les pharmacies sont totalement vides, comme à Marseille. "Il n'y en a pas, et je ne sais pas quand il y en aura... Sachant qu'il faut le changer au moins toutes les quatre heures, il faut au moins 50 masques par personne pour que ce soit efficace sur une semaine", souffle au micro d'Europe 1 le président régional de l’ordre des pharmaciens. La pénurie vaut aussi pour le gel hydroalcoolique.
L’agitation monte. Les services d’urgence du Samu sont débordés d’appels inquiets. Au début du mois de mars, trois personnes sont testées positives à l’Assemblée nationale. Le 4 mars, Emmanuel Macron organise un Conseil de défense pour décider de nouvelles mesures. Les prises de parole politiques se succèdent, parfois incohérentes et contradictoires. La France est au bord du gouffre et s’apprête à vivre au cœur du cyclone.
Le couple Macron au théâtre, les élections municipales maintenues
Le virus se propage depuis plusieurs semaines, avec 1.500 cas en France début mars. Le temps presse, mais qui s’inquiète vraiment ? Des médecins comparent encore le bilan du Covid-19 à celui de la grippe.
Le 7 mars, Emmanuel et Brigitte Macron vont même au théâtre pour inciter les Français à sortir. Mais en coulisse, certains se préparent à un scénario plus noir. Un conseil d’experts est créé, avec dix scientifiques au CV incontestable, convaincus que le scénario à l’italienne va se reproduire en France.
Mais la campagne des élections municipales continue, comme si de rien n’était. Le 12 mars à la télévision, la voix posée et le ton rassembleur, Emmanuel Macron adresse ce message: "Restez chez vous, mais n’oubliez pas d’aller voter". "J’ai interrogé les scientifiques sur nos élections : rien ne s’oppose a ce que les Français, même les plus vulnérables, se rendent aux urnes", affirme le président. "Les familles politiques ont exprimé la même volonté. Il est important d’assurer la continuité de nos institutions."
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Alors que les Italiens et les Espagnols sont confinés, les Français prennent donc la direction des bureaux de vote. "Voter est sans danger, comme d’aller acheter son pain", a dit quelques heures plus tôt le ministre de l’Intérieur. Le dimanche après-midi, Brigitte Macron va se promener sur les quais de Seine, sous ce premier soleil de mars. Était-ce une erreur de maintenir ce premier tour ? Rien ne sera dit. Mais le lendemain, le ton du président a changé.
Un million de personnes fuient Paris pour la province
Martial, Emmanuel Macron annonce le confinement du pays, le 17 mars à partir de midi. "Le pays accompagnera dans cette période les régions les plus touchées aujourd'hui, comme celles qui le seront demain. Les Armées apporteront aussi leur concours pour déplacer les malades des régions les plus affectées", déclare solennellement le chef de l'Etat.
La légèreté des premiers temps s’est dissipée, d’un coup, alors qu'on dénombre 6.600 cas confirmés et 150 décès liés au Coronavirus en France. Une course contre la montre commence. Certains font des provisions pour tenir un siège de plusieurs semaines. Un million de personnes fuient Paris pour leur résidence secondaire. En quelques heures, à Europe 1, la rédaction se vide. Tous les journalistes sont partis en télé-travail, comme des millions de Français. Dès le mardi 17 mars, Matthieu Belliard présente la matinale depuis son garage, en Normandie.
Les gestes d’entraide en effet se multiplient, dans une forme d'enthousiasme solidaire. Les pensionnaires d'une maison de retraite du sud de la France "contre-attaquent" avec une chanson intitulée Le virus ne passera pas. Et un rituel se met en place : applaudir les soignants chaque soir à 20 heures, à sa fenêtre ou à son balcon. "On est soutenus par la population, on est très exposés, ça nous touche", témoigne une aide-soignante sur Europe 1.
Sur internet, les artistes se réinventent, de Patrick Bruel, atteint par la maladie et qui participe à une chanson au profit des hôpitaux, à Booba, confiné à Miami, qui pose l'évidence sur notre antenne : "Chanter c'est bien, mais sauver des vies c'est mieux."
Mais le confinement ne frappe pas tout le monde de la même façon. Très vite, les disparités sociales apparaissent. Le vertige guette. Le 21 mars, le préfet des Alpes-maritimes décrète un couvre-feu la nuit dans tout le département, une première sur tout le territoire français.
Pour Didier Raoult, la solution s'appelle la chloroquine
Voilà la pandémie scrutée en temps réel et sans répit sur les chaînes d’information et sur les réseaux sociaux. La Reine d’Angleterre prend la parole à la télévision, pour la quatrième fois seulement en 68 ans de règne. "Je veux remercier tous ceux qui sont en première ligne, et je veux vous remercier, vous, qui restez chez vous. C’est ainsi que vous protégez les plus fragiles. Nous vaincrons, et ce succès sera le fruit des efforts de chacun", déclare-t-elle, émue.
Puis revient, lancinante, la question cruciale des masques. Et les propos contradictoires du gouvernement. La porte-parole Sibeth Ndiaye explique qu’elle ne sait pas utiliser un masque, puis qu’il n’est pas nécessaire quand une distance raisonnable est respectée entre deux personnes. Le même jour pourtant, Emmanuel Macron visite l’hôpital de campagne de Mulhouse, avec un masque FFP2 sur le visage. Nous sommes au début du mois d'avril, avant que le port du masque ne soit conseillé à tout le monde... Les voitures de soignants, contenant des stocks, sont fracturées.
Face à l’angoisse qui monte, une voix va émerger. Elle porte plus que les autres. C’est celle du Professeur Didier Raoult. Le visage presque christique, cet infectiologue à la fois reconnu et décrié prône l’usage d’un médicament existant mais inconnu du grand public pour soigner le coronavirus : la chloroquine.
"On a testé 50.000 personnes, ce qui nous a permis de détecter 2.400 personnes infectées, à qui on a proposé des thérapeutiques", affirme le médecin marseillais. "Nous avons maintenant du recul sur un peu plus d'un millier de personnes qui ont reçu le traitement. On continue à avoir des données qui montrent que, quand on détecte les gens au début de la maladie, on a des résultats qui évitent une issue défavorable." Une partie des Français a envie d’y croire, l’autre craint l’arnaque et les risques liés à l'utilisation de ce médicament.
La moitié de la planète confinée début avril
Au début du mois d’avril, la moitié de la planète est confinée. L’épidémie s’est transformée en pandémie mondiale, avec des conséquences économiques catastrophiques.Le gouvernement annonce un plan de sauvetage inédit pour amortir le choc, avec en particulier le report et l’annulation de charges sociales et fiscales pour les entreprises. La Commission européenne va devoir préparer un plan de relance économique. Invitée exceptionnelle d'Europe 1 le 3 avril, la présidente de la commission européenne Ursula Van Der Leyen se dit "convaincue que l'Europe sortira plus forte de cette crise".
"Personne n'est capable de maîtriser cette crise tout seul, mais nous sommes capables de lutter contre le virus ensemble", martèle-t-elle. Difficile, pourtant, de surmonter les divisions entre pays européens. La brûlante question des "coronabonds", destinés à soutenir l'économie en mutualisant les dettes des pays membres, n'est pas tranchée.
Après plusieurs semaines passées entre quatre murs, à faire l’école à la maison, à travailler dans leur salon, à ne plus voir leurs proches, les Français attendent désormais une date qui signifierait la fin du confinement.
Les contours de la reprise de l'école peinent à se dessiner
Elle arrive le 14 avril. Devant 36 millions de téléspectateurs, Emmanuel Macron annonce la fin du "confinement strict" pour le 11 mai. Cette date sonne comme une libération. Comme un mirage aussi… Sera-t-il possible de se déplacer d’une région à l’autre ? Les enfants iront-ils à l’école ? Très vite, les prises de parole politiques se contredisent à nouveau. Le ministre de l’Education affirme que l’école est obligatoire. Mais quelques jours plus tard, l’Elysée annonce le retour à l’école sur la base du volontariat.
"Moi pauvre parent, je dois prendre cette décision qu'ils ne sont pas capables de prendre. Pourquoi ils ne peuvent pas la prendre ? Parce qu'il n'y a pas suffisamment de masques ? Parce qu'ils se sont trompés ? On ne sait pas ce qui se passe en fait", déplore une mère d'élève sur Europe 1.
Quelques jours plus tard, le Conseil scientifique préconise au contraire un retour à l’école seulement au mois de septembre, discréditant la stratégie du gouvernement.
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Alors que les 11 millions d’habitants de la ville de Wuhan, en Chine, retrouvent la liberté le 7 avril, après 78 jours de confinement, la France bat un triste record : 833 nouveaux décès en 24 heures, 600 en hôpital et plus de 200 dans les Ehpads.
"Le rythme est de 12 heures, il est très soutenu, on commence tous très tôt, on finit tous très tard. Et après il faut rentrer à la maison avec ces images et souvent envie de parler d'autre chose...." raconte sur Europe 1 Jean-Michel Constantin, chef du service de réanimation à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. "On n'a qu'une peur, c'est que sous la pression - parce que c'est difficile d'être confiné - petit à petit les mesures barrières se délitent et qu'on prenne une deuxième vague."
Pas de scénario à l'italienne, mais toujours des "zones d'ombre"
Les premiers effets positifs du confinement arrivent finalement. Le 15 avril, pour la première fois, après trois semaines de confinement, on n'a plus d'augmentation du nombre de cas hospitalisés en réanimation.
"En réanimation, il y a un médecin qui m'a dit : ou on vous intube, ou il y a un risque pour votre vie. Il m'a dit : 'je vous laisse 15 minutes, vous préparez vos proches, vous leurs dites'. J'ai téléphoné à ma femme, à mon fils, à mon frère, en leur expliquant. Et ils m'ont intubé, je suis passé dans le coma, je me voyais en train de mourir", raconte sur notre antenne un homme guéri du coronavirus. "Et au bout d'un certain moment, je suis revenu. C'est le centre de réanimation d'Ajaccio qui a réussi à me sortir d'affaire."
Les semaines passent. La barre des 20.000 morts est franchie le 21 avril. Mais la vague est passée. La catastrophe à l’Italienne, où les médecins doivent arbitrer entre qui soigner et qui laisser mourir est évitée. Pour autant, rien n’est vraiment réglé. Est-on vraiment immunisé quand on a attrapé le virus ? Si oui, au bout de combien de temps ? Et comment éviter une deuxième vague épidémique ? Car seuls 5 % des Français ont pour l’heure été infectés.
Sur Europe 1, le docteur Jimmy Mohamed reconnaît qu'il y a "énormément de zones d'ombre", voyant des patients qui ont eu le Covid-19 revenir avec de nouveaux symptômes. "Vous pensez être guéri, et vous recommencez à faire de la fièvre… Mais des formes mineures, moins sévères."
Sauver l'économie sans craindre une "deuxième vague"
Parallèlement, la course mondiale au vaccin s’intensifie. Les premiers essais cliniques sont menés en Allemagne et au Royaume-uni. En France, L’Institut Pasteur prévoit des essais au mois de juillet.
Se prémunir le plus possible, éviter une deuxième vague, chacun y pense. Fin avril, un arrêté permet enfin aux 22.000 pharmacies de vendre des masques, Par précaution, l’armée fait même des commandes de chloroquine à la Chine, même si le traitement est encore controversé, au cas où il serait validé dans les semaines qui suivent.
La France est dans le flou. Et dans plusieurs secteurs économiques, on s’inquiète. Selon l’OFCE, le pays aura perdu 120 milliards d’euros en 8 semaines. Les restaurateurs craignent une réouverture sans clients. "Nous, on respecte le confinement, on respecte la loi. Mais les petites structures, s'il faut un mètre entre chaque table, c'est impossible", s'alarme le propriétaire d'un bar à vin. "Est-ce que toi, tu irais boire une bière avec un masque, en restant à un mètre de tes amis ? Non, c'est impossible. On est morts."
Et si c’était sur le plan économique que le virus était le plus destructeur ? Fin avril, la Banque centrale européenne annonce de nouvelles mesures de soutien aux banques. En France, avec les 11 millions de salariés au chômage partiel, l'Etat doit débourser 24 milliards d'euros. Le PIB chute de 6 %. La consommation des ménages a été divisée par 5. Le déficit de la sécurité sociale plonge à 41 milliards, du jamais vu.
"La chute est vertigineuse et on ne sait pas où ça va s'arrêter. Vous avez cette problématique d'une course contre la montre, on perd deux milliards d'activité de PIB par jour, c'est colossal", souffle sur Europe 1 Matthieu Plane, directeur adjoint au département Analyse et prévision de l'OFCE.
Un plan de déconfinement et un avenir en suspens
Les premières portes à s’ouvrir à nouveau concernant notre vie familiale. Après six semaines de confinement, retrouver le regard d’un parent, d’une grand-mère, d’un oncle, est désormais possible dans les Ehpad, où les visites sont autorisées, en respectant les distances réglementaires et parfois à travers une vitre.
"Je me suis mise à pleurer, parce que ça faisait plus d'un mois et demi que je ne l'avais pas vue", témoigne sur notre antenne une femme rendant visite à sa mère. "Même si on ne peut pas l'embrasser et la toucher, on avait quand même une demi-heure, ça fait un bien énorme." Même son de cloche de l'autre côté : "Je m'ennuyais trop".
Au même moment, les philosophes analysent en temps réel cette période inédite, avec des approches très différentes de la valeur qui doit être donnée à la vie, et à la mort. "On sait tous qu'on est mortels mais on fait comme si ce n'était pas le cas. C'est l'occasion peut-être de réfléchir à sa vie, ça nous rappelle que la vie est courte, qu'elle a une durée, donc essayons de vivre intensément", avance le sociologue Frédéric Lenoir.
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"Ce n'est pas la fin du monde, nous en sommes autour de 20.000 morts. Rappelons qu'en France, il meurt 600.000 personnes par an", tranche pour sa part André Comte-Sponville. "Je ne peux pas considérer sereinement le fait qu'on est en train d'endetter massivement nos enfants, de refaire du chômage alors qu'il commençait à reculer, pour s'occuper de notre santé de vieux."
Les Français vont enfin avoir les réponses claires et concrètes qu’ils attendent. Edouard Philippe présente le plan de déconfinement de l'Hexagone, le 28 avril. Comme un horizon tracé en pointillé, avec la sensation de ne pouvoir avancer que jour après jour pour dissiper la brume dans un paysage incertain. Le voilà qui s’avance doucement, le monde d’après.