Nouveau coup dur pour Amélie Oudéa-Castéra : l'un des plus hauts cadres de l'Education nationale, le recteur de Paris, a démissionné, une décision rarissime, après le choix du ministère d'un "moratoire" sur une partie de sa réforme des classes prépas, destinée à introduire davantage de mixité sociale. "Je quitte aujourd'hui (vendredi) mes fonctions de recteur de l'académie de Paris, quand notre école est en proie au doute, et que la situation exige pourtant la mobilisation de chacun de ses acteurs", écrit vendredi le désormais ex-recteur, Christophe Kerrero, dans une lettre aux personnels de l'académie.
"Humainement c'est dur, mais elle résiste"
Cette démission survient après la suspension mercredi par la rue de Grenelle d'un projet du rectorat visant à fermer plusieurs classes préparatoires à la rentrée 2024 pour en ouvrir trois autres à vocation "plus sociale" : l'une au lycée Henri-IV pour des futurs professeurs des écoles et deux pour des lycéens professionnels. Selon une source proche du rectorat, "M. Kerrero ne pouvait pas continuer à porter la carte scolaire après que la ministre Oudéa-Castéra l'a désavoué sans l'en prévenir dans une instance qui est le Conseil supérieur de l'éducation". L'annonce intervient sur fond de spéculations autour du maintien à son poste d'Amélie Oudéa-Castéra.
A quelques jours de nouvelles nominations pour compléter le gouvernement et après une série de polémiques visant la nouvelle ministre de l'Education nationale, auteure de déclarations controversées sur l'école publique, un proche d'Emmanuel Macron se montrait confiant. Amélie Oudéa-Castéra "est là pour exécuter un programme et une ligne claire", a-t-il expliqué. "Elle a su le faire aux Sports. C'est une combattante, humainement c'est dur, mais elle résiste."
"La grande majorité des députés (Renaissance) l'ont lâchée et pensent que c'est fini", a constaté, en revanche, un cadre de la majorité. "Mais la psychologie du président de la République (Emmanuel Macron) est quand même insondable. Bien malin qui sait." Au lendemain d'une grève qui a mobilisé un enseignant sur cinq contre la politique scolaire de l'exécutif, une intersyndicale Snes-FSU, CGT et SUD a appelé à une nouvelle grève le 6 février.
Oudéa-Castéra "prend acte"
Interrogée sur TF1, avant l'annonce de Christophe Kerrero, la ministre a assuré ne pas "song(er) à démissionner". Elle a ensuite "pris acte" de la "démission" du recteur dans un message sur X (ex-Twitter) saluant "son parcours exemplaire et son engagement en faveur de la mixité sociale". "Nous poursuivrons, comme je m'y suis engagée, l'ensemble des chantiers qu'il a impulsés en faveur de l'égalité des chances", écrit la ministre. "Toutes les mesures de soutien des élèves en termes de promotion et de mixité sociale prises par le recteur de Paris sont soutenues et financées", selon l'entourage de la ministre.
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"Le rectorat de Paris avait envisagé trois fermetures de classes pour financer ces initiatives. La ministre assume son choix de lancer un moratoire sur ces fermetures, et de soutenir ainsi plus fortement encore le projet social du rectorat et l'offre existante", a-t-on complété. Christophe Kerrero, ancien directeur de Jean-Michel Blanquer, était recteur de l'académie de Paris depuis juillet 2020. "Que la ministre tranche dans le sujet de la carte nationale des classes prépas, cela fait partie de ses prérogatives, mais cela aurait pu être amené autrement", a réagi auprès de l'AFP Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU pour les collèges et lycées.
Choix "sain"
Jean-Rémi Girard, du Snalc, confirme : "Nous souhaitions qu'il n'y ait pas de fermeture de ces classes prépas, mais je suis certain que des marges budgétaires étaient possibles à trouver pour ouvrir celles que proposaient Christophe Kerrero, qui en plus se tournaient vers les lycéens professionnels". "La démission est un acte très rare à ce poste. On comprend que s'il s'est senti désavoué, il s'en aille. Ça nous paraît même sain pour un haut fonctionnaire de faire ça", a lancé Jean-Rémi Girard.
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Nouveau coup dur pour Mme Oudéa-Castéra ? "C'est certainement une pierre de plus dans le jardin pour la ministre. Une démission de recteur, c'est très fort", a ajouté Sophie Vénétitay. Le rectorat avait décidé de fermer trois classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) dans trois établissements parisiens suscitant la mobilisation d'enseignants et d'élèves, avec notamment une pétition "contre la fragilisation des parcours littéraires".