Le 12 septembre, malgré un temps frais et pluvieux, entre 223.000 et 500.000 opposants à la réforme étaient descendus dans la rue à l’occasion de la première journée de mobilisation contre la réforme du travail. On aurait pu penser que, pour ce 21 septembre doux et ensoleillé, la mobilisation prendrait de l’ampleur. Finalement, il y a eu moins de monde dans les défilés : 132.000 manifestants dans toute la France selon la police, et "plusieurs centaines de milliers" selon la CGT, sans davantage de précision.
Seul syndicat, avec l’appui de Solidaires, à avoir appelé à la mobilisation nationale jeudi, la CGT a une nouvelle fois mené les multiples cortèges. Par endroit, ils ont été rejoints par des fédérations locales de la CFE-CGC et des adhérents de la CFDT, notamment la branche métallurgie. Une constante toutefois : les lycéens et les étudiants étaient de nouveau aux avant-postes. Dans plusieurs universités, notamment à La Sorbonne, les étudiants ont également déployé des banderoles avant l’ouverture des amphis.
Coup d’envoi en régions. Comme le veut la tradition, c’est en régions que se sont déroulées les premières manifestations. Le premier coup d’éclat a pris place au Havre, où les dockers ont bloqué l’accès au port, dès 7h. Un peu plus tard dans la matinée, de nombreux cortèges ont entamé leur marche à Rouen, Toulouse, Rennes, Bordeaux, Nantes, Marseille et bien d’autres villes. La contestation s’est même propagée jusqu’à… La Réunion.
Les "fainéants" dans la rue. Comme lors de la première journée de mobilisation, un mot était sur toutes lse lèvres : "fainéant", en référence au commentaire fait par Emmanuel Macron, début septembre. Emmanuel Macron qui a énormément inspiré les opposants. On a ainsi vu fleurir des panneaux "Fainéants de tous les pays, unissez-vous" et "Erreur 404 Démocratie not found", réponse ironique à la sortie de Macron, selon qui "la démocratie, ce n’est pas la rue".
Autre cible privilégiée des militants : les patrons, selon eux grands gagnants de la réforme. "Séparation du pouvoir et du Medef" ou encore "La loi Macron, c'est pour les patrons" : à Paris, Rennes, Nîmes, Marseille ou Caen, les slogans et pancartes rivalisaient de créativité. Mais inspiration n’a pas rimé avec forte participation. Dans une majeure partie des villes, il y a eu moins de monde jeudi que le 12 septembre. Exemple à Paris, où on a recensé entre 16.000 (police) et 55.000 (syndicats) manifestants, en baisse par rapport à la fourchette 24.000-60.000 de la première mobilisation.
" Les gens ne voient qu'un aspect de la politique qui est conduite "
Macron à Marseille. Face aux critiques, la réponse d’Emmanuel Macron était attendue. Elle est arrivée plus tôt que prévu, en milieu d’après-midi. En déplacement à Marseille dans le cadre de l’organisation des Jeux olympiques de 2024, le chef de l’État s’apprêtait à repartir – il était même rentré dans sa voiture, quand il s’est finalement ravisé. Emmanuel Macron est ressorti de son véhicule pour aller au contact des manifestants qui avaient pris part au cortège matinal. Cet échange imprévu, près de l’Hôtel de Ville, a duré une dizaine de minutes.
Pas franchement bousculé, le président a tout de même été hué par une poignée d’opposants. Surtout, il a tenté d’expliquer "la plénitude de (son) action" à une chômeuse qui l’avait interpellé, l’accusant de faire trop de "libéralisme". "Les gens ne voient qu'un aspect de la politique qui est conduite. Une vraie réforme du marché du travail est nécessaire, car on produit depuis des décennies trop de chômeurs, en particulier chez les jeunes et les gens peu qualifiés. Nous allons avoir une politique de formation", a argumenté Emmanuel Macron. Pas sûr que ses arguments aient fait mouche.
Mélenchon en vedette à Paris. Philippe Martinez était en tête de cortège à Paris mais il s’est fait voler la vedette par Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France insoumise, qui avait manifesté à Marseille le 12, était cette fois présent dans le défilé parisien. Très sollicité par les militants, il en a profité pour "vendre" le rassemblement qu’il organise samedi. Outre Jean-Luc Mélenchon, on a pu apercevoir, dans le cortège parisien, Pierre Laurent (PCF), Olivier Besancenot (NPA), Benoît Hamon (Mouvement du 1er Juillet), François Kalfon ou encore Marie-Noëlle Lienemann (PS). La gauche sous toutes ses couleurs donc, pour une manifestation très politique.
" On tend la main à la CFDT et FO pour qu'on envisage ensemble une riposte "
Les CRS en arrêt maladie. A Paris et ailleurs, les manifestations se sont globalement déroulées dans le calme et dans une ambiance bon enfant. Ce qui n’a pas empêché quelques fausses notes. Dans la capitale, un homme qui avait sur lui de quoi confectionner un cocktail molotov a été interpellé en début de manifestation. Un peu plus tard, des échauffourées ont opposés des manifestants cagoulés aux forces de l’ordre, notamment au niveau des locaux du journal Le Monde, dont la devanture a été vandalisée. A Nantes, le cortège a été dispersé par les forces de l’ordre à l’aide de gaz lacrymogène, avant de repartir de l’avant.
Fait exceptionnel, plus de 1.900 CRS, opposés à une réforme soumettant leur indemnité de déplacement aux prélèvements sociaux, se sont faits porter pâle jeudi. Habituellement réquisitionnés lors des manifestations, ils ont sciemment choisi leur jour afin d’appuyer leur colère. Pour contrôler les rassemblements, des gendarmes ont donc été appelés en renfort.
Et ensuite ? La baisse du nombre de manifestants pose forcément question. En début de journée, Philippe Martinez avait anticipé à demi-mots une telle situation, en lançant un appel à la CFDT et FO. Le numéro un de la CGT a dit "regretter" l'absence de Laurent Berger et Jean-Claude Mailly. "Mais je ne désespère pas et c'est pour ça que je pense qu'il faut que nous nous rencontrions rapidement pour envisager des formes de mobilisation unitaires", a-t-il poursuivi. "On leur tend la main, si on peut dire, pour qu'on se rencontre rapidement et qu'on envisage ensemble une riposte", a insisté Philippe Martinez.
Pour l’instant, aucune nouvelle mobilisation nationale n’a été annoncée par le front syndical. Philippe Martinez attend de pouvoir aborder la question avec ses homologues de la CFDT et de FO. Une chose est sûre : la CGT aura du mal à faire perdurer la contestation toute seule. A voir maintenant si la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon peut reprendre le flambeau, samedi, à l’occasion du rassemblement populaire organisé à la Bastille. Le député des Bouches-du-Rhône a promis "la masse" de citoyens.
De nouvelles actions prévues. Mais c’est surtout la semaine prochaine que se jouera l’avenir de la mobilisation contre la réforme du code du travail. Lundi, les chauffeurs routiers affiliés à la CGT et FO entament une grève avec au programme des opérations escargot et surtout, de possibles blocages de dépôts de carburant. Un type d’action qui avait fait (un peu) reculer le gouvernement Valls sur la Loi Travail au printemps 2016.