Cela fait trois jours que les restaurateurs ont pu rouvrir, pour les chanceux qui disposent d'une terrasse. Mais les clients étaient-ils au rendez-vous ? Quelles sont les difficultés éventuelles rencontrées par la profession et surtout que présage l'avenir ? Des interrogations auxquelles des éléments de réponses apparaissent déjà, une fois l'euphorie des premiers jours passée. C'est ce que nous explique Emmanuel Rubin, critique culinaire du Figaro, dans l'émission de Laurent Mariotte, La Table des bons vivants.
Un public éphémère
Depuis mercredi, les réseaux sociaux ont été inondés de photos de terrasses, de verres et de repas entre amis et ce, malgré une météo pluvieuse. Et si les Français s'étaient rués sur les terrasses sitôt la réouverture effective ? Le soufflet risque pourtant de retomber dans quelques jours. "On a vu beaucoup de monde les deux premiers jours en terrasse mais le risque, c'est que tout cela s'essouffle très rapidement", assure Emmanuel Rubin.
"J'ai deux craintes, que les professionnels partagent. La première, c'est que les Français aient pris de nouvelles habitudes, qu'ils préfèrent se retrouver chez les uns et les autres car pour eux, la convivialité est la même à un prix moins élevé." Car il est vrai, en six mois, que les Français ont pu réaliser des économies en effaçant la sortie au restaurant de leur quotidien et en invitant simplement leurs proches chez eux. Si cela dépendra de l'envie de certains de faire ou non des économies, pour d'autres, il s'agira sûrement d'une nécessité.
"L'autre crainte, c'est que d'ici septembre, certains Français, avec les retombées économiques que l'on risque de constater, ne puissent plus allez au restaurant ou au bar. C'était déjà le cas des familles modestes avant la crise et le phénomène risque d'être amplifié."
Des règles sanitaires à géométrie variable
Autre constat, les règles sanitaires ne sont pas toutes appliquées ou sont bien trop obscures pour être comprises correctement. "Normalement, c'est évidemment uniquement les terrasses ouvertes", rappelle Olivier Poels. "Le port du masque pour se déplacer, les clients assis uniquement, six personnes par table au maximum, le respect du couvre-feu et des demi-jauges." Des demi-jauges que peu de restaurateurs comprennent et parviennent à appliquer. Idem pour la définition de terrasse, qui varie d'un restaurant à l'autre, de la non couverte à la semi-couverte.
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Du côté des clients, le port du masque n'est pas toujours respecté, même à l'intérieur pour payer l'addition ou se rendre aux toilettes. Un relâchement inévitable dû à l'euphorie ?
Une profession en mutation
Enfin, le dernier constat, c'est que l'un des changements majeurs de cette réouverture vient des professionnels. "Tout d'abord, beaucoup de personnes n'ont pas répondu à l'appel au moment de la reprise car ils ont décidé de changer de profession", constate le critique. "Pendant six mois, ils ont goûté à une vie de famille avec des horaires plus 'normaux'. Pour beaucoup, cela a participé à une remise en question de leur mode de vie. Enfin, beaucoup de restaurants ont aussi fermé pendant cette pandémie, et ceux qui restent ouverts vont devoir rembourser l'Etat tout en essayant de vivre. Il va falloir trouver un équilibre et un prix juste sans faire fuir le client." Autant d'éléments qui font que la restauration est inévitablement en train de vivre une révolution et qu'indéniablement, il y aura un avant et un après coronavirus pour cette profession.