Après plus de 18 mois de révision et quelques 400 kilomètres de câble posés, le Charles de Gaulle est reparti en mission, mardi. Il était 9 heures lorsque ce fleuron de la marine française a quitté Toulon pour la mission nommée "Clémenceau". Notre correspondant à Toulon a pu embarquer à bord pour 48 heures.
"Se dire que l'on va partir pendant quatre mois, ça fait un peu bizarre"
Au moment de l'appareillage, le drapeau français flotte sur le mat, alors que les 1.850 membres de l'équipage sont fiers et heureux de reprendre la mer. Les marins profitaient néanmoins des derniers paysages familiers avant le départ. "Se dire que l'on va partir pendant quatre mois, ça fait un peu bizarre. Au revoir la France. On pense à nos familles, nos amis, nos copines, nos copains qu'on ne verra pas", confie une membre de l'équipage.
© Frédéric Michel / Europe 1
Cette mission "Clémenceau" s’inscrit dans un contexte géopolitique où la France est notamment engagée aux côtés d’une coalition internationale pour combattre le groupe État islamique (EI). C'est ce qu'est venue rappeler sur le porte-avions la ministre des Armées Florence Parly. Elle s’est directement adressée aux marins, dont beaucoup ont participé aux opérations de représailles contre l'EI au lendemain des attentats du 15-Novembre à Paris.
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Le commandant du Charles de Gaulle, le capitaine de vaisseau Marc-Antoine de Saint-Germain ne doute pas de la capacité de ses hommes, ni de celle de son navire : "(Le Charles de Gaulle) a fait 20 ans d'opération, on est reparti pour 20 ans donc on a réinvesti, à la fois pour traiter nos équipements que l'on n'est plus capable de maintenir et également mettre en place des équipements plus modernes et adaptés aux nouvelles menaces que l'on rencontre aujourd'hui et que l'on rencontrera demain."
"Résumer le porte-avions à uniquement deux pistes de catapultage et d’appontage serait réducteur parce que c'est d'abord un outil de commandement qui est capable de travailler de manière très autonome. Il est capable à la fois de récupérer de l'information, de la traiter, de l'analyser et ensuite, de pouvoir agir, notamment grâce aux avions armés, si nécessaire. Il a une capacité aussi à voir beaucoup plus loin", poursuit-il.
Une petite ville flottante de dix étages
Si l'unique porte-avions français est capable d’agir à plusieurs centaines de kilomètres d’un théâtre d’opération, il n’est pas tout à fait seul. Son escorte, composée de trois frégates - un ravitailleur, un sous-marin nucléaire d’attaque, plus de mille hommes - assure son autonomie.
Le colosse a beau peser 45.000 tonnes, on n’a presque pas la sensation d’être en mer. Son système de stabilisation limite de manière surprenante cette impression de tangage. L’équilibre est assuré par de lourds chariots qui coulissent d’un coté à l’autre du bateau. Il dispose également d'un hôpital avec deux blocs opératoires, des ateliers, des cuisines, une chapelle... C'est une petite ville sur près de dix étages avec des dizaines de métiers représentés. Il y a par exemple le responsable de l'unité de traitement des déchets, qui ne peuvent pas être incinérés "comme c'est un bateau nucléaire", ou encore le boulanger qui "produit 1.800 baguettes par jour".
Le porte-avions peut aussi aller très vite. Il est capable de parcourir 1.000 kilomètres en 24 heures. La piste, elle, mesure 75 mètres. Une piste que connaît bien le capitaine de corvette Jean-Philippe, le chef du pont d’envol et du hangar. Ses hommes sont surnommés les "chiens jaunes" : "On est chargé de la mise en oeuvre de l'aviation, de leur parking, jusqu'au point où on va les catapulter. C'est un ballet, chaque personne doit être au bon endroit au bon moment. On a plus d'une centaine de personnes sur le pont."
L'appontage, une manœuvre difficile
Mais après la catapultage, il faut se préparer à l'appontage, le moment le plus délicat. "C'est une zone d'impact qui est à peu près grande comme un terrain de tennis. C'est la zone dans laquelle on veut mettre la crosse à la bonne vitesse, à la bonne incidence. Pour ce faire, on a un certain nombre d'opérateurs ici, qui guident les aéronefs, qui surveillent autour d'eux", explique l'un des contrôleurs aériens du porte-avions avant d'être contraint de se taire car un avion "va apponter dans quelques secondes".
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Le capitaine de frégate Etienne est lui, aux commandes d'un Rafale marine : "Comme on dit souvent, ce n'est pas un sport de masse. Ça demande un apprentissage et surtout une répétition quotidienne pour maîtriser le geste. Par tous temps, de jour, de nuit, il faut être capable de ramener l'avion à bord du porte-avions."
Dans dix jours, il sera au large de la Syrie. Des exercices en Océan indien sont également programmés pour notamment renforcer la coopération avec l’Inde, l’Égypte, l’Australie. Des marins portugais et danois ont par ailleurs été intégrés au groupe aéronaval du Charles de Gaulle.