Saint-Etienne-du-Rouvray : comment le second tueur a échappé aux radars antiterroristes

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Guillaume Biet et C.P.-R. , modifié à
Abdel Malik P., identifié formellement jeudi, avait fait l'objet de deux signalements très récents. Pourtant, il n'a pas été intercepté à temps. Pourquoi ?

Identifié formellement jeudi, Abdel Malik P. était apparu il y a tout juste un mois dans les radars des services antiterroristes. Ce Savoyard de 19 ans, né dans les Vosges, faisait en effet l'objet d'une fiche "S" depuis un mois de la part des services de renseignement intérieur, après une tentative de départ en Syrie. Il avait également fait l'objet, sur la foi d'un renseignement étranger, d'une fiche de recherche émise vendredi dernier par l'unité de coordination de la lutte antiterroriste auprès de tous les services français - police, gendarmerie,  douanes. Celle-ci, intitulée "Menace contre le territoire national" précisait que le suspect était susceptible de préparer une attaque en France. Malgré ces deux alertes en amont de l'assassinat du prêtre, en l'église Saint-Etienne-du-Rouvray, comment le complice d'Adel K. a-t-il pu échapper aux différents services ? 

Une fiche "S" en juin dernier, sans photo... La première alerte émise au sujet d'Abdel Malik P. remonte au 29 juin dernier, un mois à peine avant l'attaque perpétrée en l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, durant laquelle le prêtre Jacques Hamel a été tué et un paroissien grièvement blessé à la gorge. Ce jour-là, les autorités turques préviennent les services français qu'un jeune homme de 19 ans, un ressortissant français, a été repéré en Turquie il y a plusieurs jours, le 10 juin exactement. Selon les informations d'Europe 1, elles fournissent alors son identité, mais elles n'ont pas la photo d'Abdel Malik P. 

Du côté des services antiterroristes français, le jeune homme identifié n'apparaît dans aucun fichier : il n'a jamais été arrêté ni fait parler de lui. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) émet donc une fiche "S" à son nom pour que l'individu soit signalé s'il repasse une frontière. A l'époque, les services Français supposent qu'Abdel Malik P. est parti vers la Syrie, du moins qu'il est à l'étranger. 

Problème : la DGSI ignore que le suspect a fait demi-tour le 11 juin, dès son repérage par les Turcs. Le jour-même, Abdel Malik P. a donc quitté la Turquie sans aucune encombre ni contrôle puisqu'il n'était encore pas signalé. Le jeune Savoyard de 19 ans est donc rentré en France en toute légalité. 

Une alerte la semaine dernière, sans nom… La deuxième alerte, elle, est encore plus récente, et surtout beaucoup plus urgente. Elle remonte à vendredi dernier. Un service de renseignement étranger fournit à la France la photo d'un homme non identifié et précise qu'il risque de commettre un attentat dans l'Hexagone.

L'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) réagit immédiatement : elle envoie à tous les services de police, de gendarmerie et des douanes, une fiche avec la photo de ce suspect dont personne ne connaît encore le nom. Le texte diffusé indique que le jeune homme "serait déjà présent en France et pourrait agir seul ou avec d'autres individus", bien que "la date, la cible et le modus operandi de ces actions" soient encore "inconnus". Autrement dit, les enquêteurs disposent de peu d'indices concrets pour retrouver l'individu.

Une chasse à l'homme… sans identité. Face à l'urgence et l'imminence de la menace, tous les services cherchent alors à reconnaître ce visage et à lui donner un nom. Correspond-il à celui d'un suspect dans un dossier en cours ? Sans l'identité du jeune homme, la traque se révèle extrêmement compliquée… Car sans nom sur l'alerte transmise par l'UCLAT, difficile de faire le rapprochement avec la fiche "S" émise par la DGSI.

Néanmoins, le week-end dernier, les policiers du renseignement arrêtent un homme en région parisienne. Il est en garde à vue, depuis lundi. Et pour cause, dans le cadre de la dernière prolongation de l'Etat d'urgence - qui permet de copier et d'exploiter les données informatiques d'ordinateurs saisis lors de perquisitions administratives -, les enquêteurs ont découvert chez lui la vidéo d'un jeune homme prêtant allégeance à l'Etat islamique. Mais là encore, ils font face au même problème : sur la vidéo, le suspect ne donne pas son nom. Or, il apparaît désormais que celui-ci était bien le second terroriste de Saint-Etienne-du Rouvray

Entre les services du renseignement intérieur, qui connaissaient son nom, mais le pensaient en Syrie ou en Turquie, et les autres services qui savaient sa dangerosité mais n'avaient pour piste que son visage juvénile avec une légère barbe, Abdel Malik P. a finalement réussi à leur échapper jusqu'à être abattu par les forces de l'ordre, mardi dernier, sur le parvis de l'église, après avoir mené la prise d'otage meurtrière avec Adel K