Ils jettent l'éponge. Frank Berton et Sven Mary, les avocats français et belge de Salah Abdeslam ont annoncé ce mercredi qu’ils n’assureraient plus la défense de Salah Abdeslam, suspect-clé des attentats du 13 novembre à Paris. "On ne va pas rester assis à côté de lui à le regarder se taire", a justifié sur Europe1 le ténor du barreau lillois. "Il ne veut pas parler, c’est un droit qui lui appartient. Mais dans ces conditions, il nous est difficile, voire impossible, d’exercer notre métier". Présenté à quatre reprises aux juges d’instruction, le seul survivant du commando est à chaque fois resté muet. "Je pense qu'il n'aura pas d'autre d'avocat. Il n'en a plus envie. Salah Abdeslam abandonne. C'est comme un suicide, je le crains", a ajouté dans L'Obs Frank Berton.
Pendant la procédure. Si Salah Abdeslam, notamment mis en examen pour assassinats terroristes, peut faire le choix de garder le silence tout au long de la procédure, a-t-il le droit de se passer d’un avocat ? "Pour l’instant, il faut savoir ce que lui veut vraiment. Son ancien avocat dit qu’il n’a plus envie d’être défendu mais nous devons recueillir sa parole", met en garde Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris. Si le djihadiste présumé refuse effectivement d’être assisté pendant la procédure jusqu'à son procès, il pourra être présenté aux juges d’instruction seul. Etre assisté est en effet un droit, pas une obligation. "S’il ne formule aucun souhait précis, le juge d’instruction me demandera probablement de désigner un avocat commis d’office", précise cependant le "patron" des avocats parisiens. Son conseil sera alors issu de la Conférence du barreau, la crème des jeunes avocats, comme il en est coutume en matière de terrorisme. Salah Abdeslam peut également changer d'avis en cours de procédure: il peut décider dans un premier temps d'être présenté seul à un juge d'instruction puis lui demander d'être assisté.
Devant les assises, Abdeslam ne sera pas seul. La présence d’un avocat est-elle déterminante dans l’avancée de l’enquête ? "En nouant une relation de confiance avec nos clients, nous pouvons les pousser à donner leur version de l’affaire", explique Me Apolin Pepiezep, qui défend entre autres Mehdi Nemmouche, l’auteur présumé de l’attentat dans le musée juif de Bruxelles en 2014. Frank Berton avait d’ailleurs conditionné sa décision de défendre le terroriste à sa collaboration avec la justice. "C’est un exercice périlleux parce qu’il ne faut pas que nos clients se terrent dans le silence devant les juges d’instruction mais ils ne doivent pas non plus trop s’incriminer", précise le conseil. Reste que les auditions ne sont qu’un aspect de l’instruction. "C’est un support important mais on ne peut pas forcer quelqu’un à parler ! De même, s’il parle, on ne peut pas prendre ses "révélations" pour argent comptant, nous devons vérifier", note le magistrat Jean de Maillard, du syndicat FO-Magistrature. L’enquête se poursuivra donc avec ou sans le concours de Salah Abdeslam.
Devant les assises, en revanche, le djihadiste présumé n’aura pas le choix. Il est juridiquement tenu d’être assisté par un conseil même s'il refuse de se défendre. S’il n’en a pas, celui-ci lui sera commis d’office. "Cet avocat peut tout simplement faire acte de silence et se tenir à côté de son client si celui-ci refuse d’être défendu", indique le bâtonnier de Paris. La loi prévoit également que l'accusé puisse être représenté par un proche, mais dans les faits, ce cas de figure est rarissime.