Lundi, l'autorisation d'occuper la place de la République a pris fin pour "Nuit debout". Au petit matin, les stands ont été démontées, les bâches ôtées et les manifestants évacués par les CRS. La préfecture a ensuite accepté une nouvelle demande d'autorisation, permettant, le soir même, la reprise du mouvement. Mais dans un climat nouveau : "le dispositif était impressionnant en arrivant, tout autour de la place", raconte Adrien. "Les policiers étaient accompagnés de CRS", confirme Luc Poignant, chargé de communication du syndicat Unité SGP Police FO. Sur les réseaux sociaux, beaucoup de participants se sont amusés de cette omniprésence des forces de l'ordre, presque plus nombreux que les militants.
#NuitDebout#42mars Plus de policiers que de dangereux révolutionnaires... pic.twitter.com/X6L2PBoPsB
— Felipon (@Felipedelaserna) 11 avril 2016
Le contexte de l'état d'urgence. Durant le week-end, plusieurs voix politiques s'étaient levées, interrogeant la compatibilité de ce mouvement avec l'état d'urgence. "Je suis profondément choqué qu'on tolère ce genre de rassemblement et de manifestation", avait déclaré l'ancien Premier ministre François Fillon à l'antenne d'Europe 1, dimanche. "Où est la sécurité ?", renchérissait Bernard Debré, député LR de Paris, lundi. "On interdit aux lycéens de sortir fumer une clope dans la rue par sécurité, parce qu'on est en état d'urgence. Par contre, Nuit debout a le droit de manifester et de s'accaparer la place de la République ?", poursuivait-il.
Huit interpellations samedi soir. Des propos tenus après par les premiers heurts en marge de la manifestation, survenus samedi soir. Un peu avant trois heures du matin, un responsable de "Nuit debout" demandait le concours de la force publique "en raison de la difficulté de son service d'ordre à assurer la sécurité". Sur place, des policiers faisaient l'objet de jets de pierres et de provocations. Huit personnes étaient interpellées et placées en garde à vue, notamment pour dégradations.
"C'est la première fois que ça dégénérait", raconte Manon, présente depuis le début des rassemblements. "Jusque-là, des camions de police étaient garés dans les rues adjacentes mais n'avaient pas besoin d'intervenir". Le "service d'ordre" de Nuit debout se résumait à sa " commission sérénité", chargée d'assurer le bon déroulement de la libre prise de parole. "Elle fait en sorte que les interventions ne dégénèrent pas, dans les propos ou dans les actes", explique un manifestant à Europe 1. "L'idée est de résoudre les problèmes par le dialogue". Pour Adrien, un assidu du mouvement, c'était plutôt "la foule qui faisait en sorte que les gens un peu énervés s'assoient", en agitant les mains, signe d'approbation du discours. Rappelons que le mouvement n'a en effet ni chef, ni porte-parole désigné.
La police prend le relais. "Désormais, on a un dispositif de surveillance léger en journée, parce que les forces de l'ordre sont occupées ailleurs. Mais il est beaucoup plus important le soir", explique Luc Poignant. "Pourtant, pour la majorité d'entre eux, ces gens ne sont pas agressifs pour deux sous", estime le chargé de communication. "Le vrai problème, c'est que dans ce genre de mouvement, on s'attend toujours à de la violence. L'enjeu est d'identifier les groupes qui viennent se greffer aux pacifistes, de faire le distinguo."
Lundi soir, les forces de l'ordre déployées ont reçu l'ordre de bloquer le ravitaillement des manifestants. Ils ont renversé une marmite pleine de soupe sur le trottoir, provoquant la colère des militants. "Je pense qu'ils n'avaient pas d'autre choix que d'obéir, ils avaient l'air embêtés", tempère Manon. "Quand des gens chantaient "tout le monde déteste la police", ça ne prenait pas", abonde Adrien. "Certains ont démenti le fait qu'un organisateur les avait appelés samedi, je trouve ça dommage de ne pas assumer. Ils sont là pour assurer notre sécurité", poursuit-il.
Malgré le renforcement du dispositif policier, une personne a été interpellée et deux agents légèrement blessés dans de nouveaux heurts, en marge du rassemblement, lundi soir. "Deux ou trois casseurs avaient même des parpaings dans leurs sac à dos", raconte un militant. "Mais la foule s'est détachée d'eux et a fait marche arrière", assure-t-il.
Mardi matin, la place a à nouveau été évacuée, sans heurts. En attendant, peut-être, un retour des manifestants le soir ? "On peut dire que le dispositif évolue tous les jours", confie Luc Poignant.