"Juges des mineurs délinquants, nous sommes, aussi, juges des mineurs en danger", rappellent quinze juges des enfants du tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, dans une tribune publiée par Le Monde lundi. Ils dénoncent notamment le manque de moyens qui ne permettent pas de protéger correctement les mineurs.
Des juges qui ont aussi une mission de protection. Les juges rappellent qu'ils doivent répondre "à l'exigence de protection des enfants, parfois très jeunes, que leur situation familiale met en péril". Ils ont le pouvoir de demander des mesures d'éloignement des mineurs et d'accompagnement éducatif pour "veiller au bon développement et à l'insertion scolaire et sociale" des enfants. Or les moyens financiers manquent pour assurer ces missions.
Une application trop tardive des décisions prises. Les délais de prise en charge par le secteur associatif habilité sont "inacceptables en matière de protection de l’enfance", allant jusqu'à 18 mois encore l'audience au cours de laquelle la décision est prononcée et son application. "Nous en connaissons les raisons : un manque flagrant de personnel, lié aux restrictions budgétaires, dans un contexte où la dégradation des conditions du travail éducatif et social en Seine-Saint-Denis rend plus difficiles les recrutements."
"En Seine-Saint-Denis, des mineurs en détresse ne peuvent ainsi plus recevoir l’aide dont ils ont besoin, faute de moyens financiers alloués à la protection de l’enfance par le Conseil départemental, tributaire en partie des dotations de l’Etat", dénoncent les signataires soulignant également les inégalités de traitement entre les mineurs de Seine-Saint-Denis et ceux de Paris.
Une prise en charge dès l'enfance pour éviter d'autres problèmes à l'âge adulte. Enfin, les quinze juges rappellent que "des enfants mal protégés, ce seront davantage d’adultes vulnérables, de drames humains, de personnes sans abri et dans l’incapacité de travailler." Autant de situations qui auront "davantage de coûts sociaux".
"Le meilleur rempart à la violence extrême, sous toutes ses formes, y compris la violence terroriste, est, nous en sommes convaincus, une politique efficace de détection des violences précoces et de protection des enfants qui en sont les victimes. Notre alerte est un appel au secours", concluent-ils.
L'application des décisions appartient au département se défend Nicole Belloubet. Dans la tribune, "ce sur quoi mettent l'accent essentiellement les juges des enfants c'est sur (...) la protection de l'enfance en danger", a réagi sur France Inter, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet. "Je ne nie pas la responsabilité de l'État, mais je dis que la mise en oeuvre des décisions de nature civile, cela appartient au département", a-t-elle ajouté.
Au tribunal de Bobigny, "il y a eu 8 postes de magistrats supplémentaires par rapport à 2016 et il y a eu une affectation de 19 greffiers supplémentaires", a-t-elle ajouté. "Après, c'est au président du tribunal de savoir où il les affecte dans son tribunal".