La société française reste très sexiste. C'est le constat du cinquième rapport annuel sur l'état des lieux du sexisme en France*, publié ce lundi par le Haut Conseil à l'égalité (HCE) entre les femmes et les hommes. Cinq ans après le mouvement #MeToo, "les femmes restent inégalement traitées par rapport aux hommes, et elles restent victimes d’actes et propos sexistes dans des proportions importantes", détaille le rapport, qui évoque une "situation alarmante". Clichés sexistes, situations de sexisme au quotidien et violences envers les femmes perdurent, malgré les mesures mises en place par les pouvoirs publics, "qui ne sont pas jugés à la hauteur des enjeux sur ces questions", selon les résultats du baromètre. Voici les six principaux points à retenir.
1. Le monde professionnel reste très compliqué pour les femmes
Discrimination, voies professionnelles difficiles d'accès, métiers précaires... L'inégalité entre les hommes et les femmes persiste dans le milieu professionnel, selon le rapport du HCE. Seules 20% des personnes interrogées estiment que les femmes et les hommes sont égaux dans le monde du travail. Certaines filières, notamment numériques et scientifiques, sont plus difficiles d'accès pour les femmes. Elles sont également plus nombreuses dans les métiers précaires. 37% des femmes interrogées affirment également avoir vécu des discriminations sexistes dans leurs choix professionnels d'orientation.
2. Les violences physiques, sexuelles et psychologiques existent encore dans des "proportions alarmantes"
Violences sexuelles, harcèlement, emprise psychologique de la part d'un conjoint... 37% des Françaises interrogées ont déjà vécu une situation de non-consentement, et 14% ont déjà subi un "acte sexuel imposé", c'est-à-dire une agression sexuelle ou un viol. Le baromètre détaille ensuite : 33% des femmes interrogées ont déjà eu un rapport sexuel sans en avoir envie, suite à l'insistance de leur partenaire, et 12% ont déjà eu un rapport sexuel non protégé, également à cause de l'insistance de leur partenaire. 7% des femmes interrogées ont également déjà subi des baisers de la part d'un collègue ou d'un inconnu, sans leur consentement.
3. Les femmes adoptent des "conduites d'évitement" pour éviter des propos ou situations sexistes
Tenue vestimentaire, sorties, discussions... D'après le baromètre, neuf femmes sur dix "anticipent les actes et propos sexistes des hommes et adoptent des conduites d’évitement pour ne pas les subir". Dans l'espace public, 52% affirment qu'elles renoncent à s'habiller comme elles le souhaiteraient, et 80% des femmes interrogées assurent qu'elles ont peur de rentrer seules le soir. De la même manière, 41% d'entre elles font attention à ne pas parler trop fort.
4. Les clichés sur la "masculinité" perdurent chez les jeunes hommes
Parmi les hommes de moins de 35 ans, les clichés "masculinistes" restent très présents. Par exemple, le rapport du HCE détaille que 20% des 25-34 ans considèrent qu'il faut se vanter de ses exploits sexuels auprès de ses amis pour être respecté dans la société. Sur la même tranche d'âge, 23% pensent qu'il faut être violent pour se faire respecter. Moins de la moitié des hommes de 15 à 34 ans (48%) trouve que l'image véhiculée par les contenus pornographiques sur les femmes est problématique.
Le baromètre pointe également du doigt le fait que la majorité des hommes interrogés ont du mal à se sentir concernés par les questions de sexisme, ou à engager leur responsabilité individuelle. Par exemple, "alors que 37 % des femmes ont déjà vécu une situation de non-consentement, seuls 12 % des hommes déclarent qu’ils ont déjà insisté pour avoir un rapport sexuel alors que leur partenaire n’en avait pas envie, et 10 % qu’ils ont déjà eu un doute sur le consentement de leur partenaire", explique le rapport. Plus problématique encore, 16% des hommes continuent de penser que les femmes agressées sexuellement sont en partie responsables de la situation.
5. Les dispositifs mis en place pour lutter contre le sexisme sont "globalement perçus comme inopérants"
Outre le sentiment de manque d'information et de confiance envers les acteurs publics de lutte contre le sexisme, "les pouvoirs publics ne sont pas jugés à la hauteur des enjeux sur ces questions", souligne le rapport. D'ailleurs, seulement 30% de la population interrogée considère que le gouvernement est un acteur de confiance, et 37% font confiance à la justice pour lutter contre des actes ou propos sexistes. De manière plus globale, "l’action des pouvoirs publics est jugée efficace par à peine plus d’un quart (27%) de la population française".
>> LIRE AUSSI - Regards insistants, remarques sexistes... malgré MeToo, les femmes toujours victimes du harcèlement de rue
6. Les recommandations du Haut conseil à l'égalité pour lutter contre le sexisme
Face à ce constat, le HCE propose une série de recommandations "qui s'attaquent à la fois aux mentalités et à leurs effets délétères, et qui propose des pistes d’amélioration pour des pouvoirs publics plus performants". Parmi elles, des mesures qui s'appliquent dès le plus jeune âge comme "dégenrer les jouets destinés aux enfants dès la naissance, et leur marketing, à travers l'interdiction la publicité pour les jouets genrés" ou encore "garantir la tenue des enseignements obligatoires à la sexualité et à la vie affective" à l'école. Sur le plan professionnel, le baromètre propose notamment d'"adopter un plan national d'orientation professionnelle dès le collège pour orienter les jeunes filles vers les métiers scientifiques, techniques, numériques, et d’avenir".
La régulation des stéréotypes sexistes et des images dégradantes des femmes sur le numérique est aussi pointée du doigt, notamment à travers le renforcement "de la lutte contre la diffusion de contenus pornographiques illicites".
Le rapport demande également plus de protection pour les femmes, en milieu scolaire, en politique et dans le monde professionnel. Sans oublier la nécessité, selon le baromètre, de "pouvoirs publics plus performants", qui passerait par un meilleur accueil des victimes, des formations de tous les professionnels qui pourraient être au contact de femmes victimes de violence ou encore un accompagnement médical et psychologique gratuit pour les femmes victimes de violence.
Car, entre 2020 et 2021, le nombre de victimes de violences conjugales a augmenté de 21%. Au cours de l'année 2022, 147 féminicides ont également été comptabilisés par l'association Nous Toutes.
*Le rapport du Haut Conseil à l'Égalité repose sur les résultats du "Baromètre Sexisme" mené avec l'institut Viavoice, sur un échantillon de 2.500 personnes âgées de 15 ans et plus.