C'est la première fois qu'un tribunal donne raison à Jérome Kerviel. Le Conseil de prud'hommes de Paris a condamné mardi la Société générale à verser plus de 450.000 euros à son ex-courtier, pour l’avoir licencié "sans cause réelle ni sérieuse".
"Cela fera rire tous les juristes". La justice prud'homale estime que les faits justifiant son renvoi - la prise de positions non couvertes ayant mené à une perte record de 4,9 milliards d'euros en 2008 - étaient prescrits au moment de son licenciement pour faute lourde, le 12 février 2008. "C’est une décision ubuesque", s'insurge Jean Veil, l'avocat de la banque, mardi sur Europe 1. "C’est la première fois en 40 ans d’exercice professionnel que je vois un conseil des prud’hommes désavouer la Cour de cassation. Ça fera rire absolument tous les juristes."
La banque était-elle au courant ? Le conseil des prud'hommes considère que la banque savait depuis longtemps que Jérôme Kerviel dépassait les limites autorisées pour ses opérations sur le marché. La banque l’avait d’ailleurs averti, oralement, en 2005, sans le sanctionner. Or, le code du Travail prévoit qu'une entreprise dispose d'un délai de deux mois pour sanctionner des faits, à partir du moment où elle en prend connaissance. "La Cour de cassation a dit que la Société générale ne savait rien de tout cela", s'est justifié Jean Veil. "On ne lui a pas dit qu’il pouvait dépasser, il pouvait éventuellement sortir de ses limites dans la journée mais le soir, quand il rangeait ses crayons, il devait remettre tout en ordre parce que ça ne peut pas rester comme ça pendant la nuit. La différence avec M. Kerviel, c’est que lui, ses excès et ses dépassements duraient pendant des mois."
"Il doit toujours 4,9 milliards à la Société générale". En mars 2014, la Cour de cassation avait confirmé la décision au pénal, condamnant Jérôme Kerviel à cinq ans de prison dont trois ans ferme, mais avait cassé les dispositions civiles l'obligeant à payer 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. Le procès civil de l'ancien courtier reprendra le 15 juin, devant la cour d'appel de Versailles. Les juges vont devoir à cette occasion réexaminer le préjudice financier de la Société générale et le montant des dommages qui lui sont imputables. "Il doit toujours 4,9 milliards à la Société générale, et j’attends qu’il les paye", conclut l'avocat de la banque.