A son arrivée à l’Elysée en 2007, Nicolas Sarkozy avait souhaité plus de transparence dans la gestion de la Présidence de la République. Sans savoir que ce souhait se retournerait contre ses troupes. Huit ans après la première plainte de l’association Anticor, et six années après l’ouverture d’une instruction par un juge financier, l’affaire dite des "sondages de l’Elysée" vient de connaître une avancée notable : selon les informations recueillies par Europe 1, le parquet national financier (PNF) requiert le renvoi devant le tribunal des six mis en examen, parmi lesquels Claude Guéant et Patrick Buisson.
Il est question dans ce dossier de sondages passés, sans appels d’offre, par des sociétés tenues par des proches conseillers de l’ancien président de République, soupçonnés d’avoir surfacturé les prestations à l’Elysée, pour une somme globale dépassant les 10 millions d’euros.
"Ivresse sondagière." En 2009, la Cour des Comptes s’était penchée pour la première fois sur le budget du Palais, s’étonnant d’une convention passée pour "un coût avoisinant 1,5 million d’euros" avec un cabinet d’études - la société Publifact de Patrick Buisson. La Cour avait relevé son caractère "exorbitant au regard des règles de l’exécution de la dépense publique" et dénoncé l’absence totale de contrôle de l’Elysée sur le travail de ce cabinet sur le choix des études, et leurs montants facturés à des instituts de sondages.
Il s’est avéré par la suite que sur l’ensemble du quinquennat, plus de 300 sondages ont été commandés pour la présidence de la République, représentant une dépense d’environ 10 millions d’euros. "Ivresse sondagière", s’étrangle alors l’élu écologiste grenoblois Raymond Avrillier, qui avait obtenu les documents attestant de ces commandes, et qui pointe du doigt certaines des questions posées par les instituts de sondages, comme une au sujet d’un possible mariage de Nicolas Sarkozy avec Carla Bruni.
Immunité présidentielle. Le chemin qui a mené à l’ouverture d’une enquête a été parsemé d’obstacles. En 2011, le procureur de Paris Jean-Claude Marin classe sans suite la plainte de l’association Anticor, au motif que les collaborateurs du président de la République étaient couverts par l’irresponsabilité pénale quand ils effectuaient des actes au nom de la présidence de la République. Après plusieurs mois de bataille procédurale, la Cour de Cassation autorise l’ouverture d’une instruction, qui sera confiée au juge Serge Tournaire.
Favoritisme et détournement de fonds publics. Dans cette enquête au long cours, le magistrat a mis en examen six anciens conseillers et collaborateurs du président de la République. Il est question de favoritisme - ce dont se défendent les mis en cause, qui considèrent notamment qu’il est de coutume en la matière que l’Elysée ne soit pas soumis au code des marchés publics et que la spécificité des conseils au chef de l’Etat rend leurs prestations très spécifiques - et de détournement de fonds publics, visant particulièrement Patrick Buisson, qui se serait accordé via sa société des marges allant jusqu’à 70%.
Selon les informations recueillies par Europe 1, le parquet national financier a notamment requis il y a quelques jours le renvoi devant le tribunal de Claude Guéant, ancien secrétaire général de l’Elysée, de Patrick Buisson, d’Emmanuelle Mignon -ancienne directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy- et de Pierre Giacometti, ancien directeur d’Ipsos dont l’entreprise Giacometti-Péron avait conclu près de 2,5 millions d’euros de contrats de conseil avec l’Elysée entre 2007 et 2012. Après ces réquisitions du PNF, c’est désormais au juge d’instruction de décider ou non de renvoyer les mis en cause dans ce dossier devant le tribunal.