Comment réconcilier les Français et leurs élites ? C'est la difficile question à laquelle les intervenants du Forum Europe 1 "Liberté, Égalité, Fraternité", organisé mardi au Bataclan, ont tenté de répondre. À ce sujet, Emmanuel Macron est lui favorable à la suppression de l'ENA (École nationale d'administration) et de "plusieurs autres structures", selon le discours qu'il aurait dû prononcer lundi, avant que l'incendie de Notre-Dame de Paris ne l'oblige à reporter son allocution.
Des hauts fonctionnaires oui, mais pour quel rôle ?
"Ce n'est pas la première fois que cette question revient dans le débat", note d'abord Jérôme Fourquet, le directeur du département Opinion et Stratégies de l’Ifop. L'institut de sondage avait d'ailleurs posé la question aux Français, au début des années 1990. À l'époque, une écrasante majorité plaidait pour sa suppression. Mais, selon un récent sondage Ifop publié par Le Journal du dimanche, un peu plus de la moitié des Français y étaient opposés.
Selon l'analyste, "on peut avoir le sentiment qu'Emmanuel Macron, le monarque républicain, s'achète quelque part un peu de répit en donnant à la population quelques têtes sur un plateau. Mais dans un pays qui s'est construit par l'État, dont 45% du PIB passe par la dépense publique, on aura toujours besoin de hauts fonctionnaires pour faire tourner la machine", assure Jérôme Fourquet.
"Il faudra toujours former les hauts fonctionnaires, c'est un non-problème", abonde la philosophe Cynthia Fleury. "En revanche, ce qu'ont fait des hauts fonctionnaires et le type de rôle qu'on leur donne, c'est ça qu'il faut transformer, ce n'est pas tellement l'école en elle-même."
Pour une rotation des élites
"Au moins, sur le plan symbolique, ça veut dire quelque chose", défend pour sa part Fabrice d'Almeida, historien et chroniqueur sur Europe 1. "La noblesse d'État, ça veut dire qu'un haut fonctionnaire engendre un haut fonctionnaire qui engendre un haut fonctionnaire. C'est ça le problème", poursuit-il, en rappelant le travail du sociologue italien Vilfredo Pareto, à la fin du 19ème siècle. "Celui-ci préconisait une rotation des élites. Et finalement, le sentiment qu'on a, c'est qu'à un moment donné, la circulation des élites s'est un peu arrêtée."
Quoi de mieux, donc, selon Fabrice d'Almeida, qu'un changement institutionnel pour initier cette rotation. C'est précisément ce que dit le président de la République dans le texte de son allocution. En supprimant l'ENA, Emmanuel Macron, lui-même sorti de cette école en 2004, espère en effet donner "à tous nos jeunes leurs chances en fonction uniquement de leur mérite et pas de leur origine sociale ou familiale". Actuellement à l'ENA, sept étudiants sur dix sont des enfants de cadres.