L'islamologue Tariq Ramadan, mis en examen pour le viol de deux femmes, a reconnu lundi devant les juges d'instruction avoir eu avec elles des relations sexuelles "consenties", a déclaré son avocat. L'intellectuel niait jusqu'à présent tout rapport physique avec les plaignantes.
Il a déposé plainte pour "dénonciation calomnieuse". Les messages échangés entre Tariq Ramadan et ces deux femmes "démontrent que les parties civiles ont menti et que les relations sexuelles ont été parfaitement souhaitées, consenties et même par la suite de nouveau recherchées", a expliqué Me Marsigny.
#Ramadan son avocat martèle que ces femmes « ont menti » et que ces relations « étaient consenties »
— Salomé Legrand (@Salome_L) 22 octobre 2018
Des messages versés au dossier. L'audition de lundi est intervenue après la révélation fin septembre de 399 SMS échangés entre Tariq Ramadan, incarcéré depuis le 2 février, et "Christelle", extraits d'un téléphone de l'accusatrice par un expert mandaté par les juges. Il y détaillait à l'avance ses fantasmes sexuels violents et dominateurs. "J'ai senti ta gêne... désolé pour ma 'violence'", reconnaissait-il par écrit ensuite, au lendemain de leur rencontre, le 9 octobre 2009 à Lyon.
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Vendredi, c'est la défense de l'islamologue qui a versé au dossier d'autres messages, provenant cette fois d'un de ses téléphones et échangés avec Henda Ayari, la première femme à avoir porté plainte contre lui. Les révélations de ces messages "lui ont permis de reconnaître qu'il avait eu des relations sexuelles avec Henda Ayari et 'Christelle'", a expliqué Me Marsigny.
Dans un de ces messages non datés, mis en avant par la défense, "Christelle" écrit notamment "tu m'as manqué dès que j'ai passé la porte".
La parole de Ramadan "ne pouvait pas être libérée", affirme son avocat. "La raison pour laquelle Monsieur Ramadan a été contraint de ne pas accepter de reconnaître avoir eu des relations tient au fait que depuis le départ, tant sur le plan médiatique qu'au cours de sa garde à vue (...) il a eu le sentiment que la conviction était acquise qu'il était coupable des faits pour lesquels il était mis en examen", a encore déclaré Me Marsigny. "Sans être en mesure de disposer des éléments matériels qui viennent récemment d’être versés au dossier, sa parole ne pouvait pas être libérée, ce qui est le cas aujourd'hui". Pour l'avocat, la révélation de ces messages constitue "un tournant dans ce dossier".
Tariq Ramadan, mis en examen depuis le 2 février, a déposé plainte pour "dénonciation calomnieuse". Son avocat a également annoncé une nouvelle demande de remise en liberté.
"Cela fait onze mois que Tariq Ramadan ment", réagit l'avocat de Christelle. "L'avocat de Monsieur Ramadan ment comme son client a menti pendant onze mois", a réagi l'avocat de "Christelle", Eric Morain. "Cela fait onze mois que Tariq Ramadan ment, que lui et ses soutiens salissent, insultent les plaignantes".
#Ramadan Me Morain (2/2) « qu’ils prennent à partie les policiers, les juges, en leur disant vous écoutez sans recul (ces femmes) elle sont mythomanes elles sont folles et aujourd’hui il vient à Canossa se frapper la poitrine, ce n’est pas sérieux »
— Salomé Legrand (@Salome_L) 22 octobre 2018
"Les SMS de ma cliente ne sont pas horodatés", a-t-il déclaré à la presse, "aujourd’hui, personne à part elle n'est capable de dire quand elle les a envoyés". Eric Morain a également précisé que sa cliente "s'expliquera devant les magistrats instructeurs", si elle est convoquée.
"Voilà un an que la défense de Monsieur Ramadan tente des tours de passe-passe pour sauver sa cause. La réalité, c'est qu'il a menti depuis le début de cette affaire en niant des relations et qu'il lui a fallu un an pour avouer. Faudra-t-il encore un an pour qu'il avoue le reste ? ", a de son côté déclaré Me Jonas Haddad, l’un des avocats d’Henda Ayari, auprès d'Europe 1. "C’est contraint, car acculé, qu’il avoue des rapports charnels après avoir hurlé ne pas connaitre Madame Ayari, et après l’avoir jetée sans remord en pâture à l’opinion en lui soufflant des thèses complotistes", a abondé Me Grégoire Leclerc, le deuxième avocat d'Henda Ayari. Et de conclure : "Comment croire une défense opportuniste qui tente de sauver les meubles en continuant de tenter de discréditer les victimes. Madame Ayari ira jusqu’au bout pour démontrer que ce rapport aujourd’hui admis n’a pas été consenti".
Ramadan n'avait jusqu'à présent concédé qu'un "jeu de séduction". Confronté à "Christelle" le 18 septembre, quelques jours avant la révélation des SMS en question, Tariq Ramadan n'avait concédé à nouveau qu'un "jeu de séduction" par téléphone et internet, réaffirmant n'avoir bu qu'un verre avec cette "mythomane" au bar de l'hôtel. Il avait déposé dans la foulée une troisième demande de libération, rejetée depuis.
Dans le volet concernant Henda Ayari, qui avait lancé l'affaire le 20 octobre 2017 en déposant une plainte, celle-ci avait vu sa version affaiblie en juillet, se disant à présent incapable de dire où et quand le viol qu'elle dénonce avait eu lieu, après avoir donné deux dates au printemps 2012 invalidées par l'enquête.