Manifestation pour Adama Traoré et contre les violences policières devant le tribunal de Paris le 2 juin 2020. 7:35
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Justin Morin, édité par Céline Brégand
Au lendemain des tensions survenues lors de la manifestation contre les violences policières et en hommage à Adama Traoré qui s'est tenue devant le parvis du Tribunal de Paris à Porte de Clichy, le maire du 17e arrondissement de la capitale, Geoffroy Boulard, dénonce sur Europe 1 mercredi une mauvaise gestion de la situation par le ministère de l'Intérieur.
INTERVIEW

Des tensions ont éclaté mardi soir après trois heures de manifestation pacifique contre les violences policières et le racisme devant le Tribunal de Paris. Selon la préfecture de police, environ 20.000 participants se sont rassemblés à l'appel du collectif Justice pour Adama. Vers 21h, des gaz lacrymogènes et des jets de pierres ont clôturé cette manifestation, interdite par la préfecture le matin même. Au total, 18 personnes ont été interpellées. Les tensions se sont notamment concentrées dans le quartier près du tribunal de Paris, dans le 17e arrondissement de la capitale. Europe 1 s'y est rendue jeudi. 

"On a fait le choix de sacrifier les quartiers avoisinants"

Au lendemain de la manifestation en hommage à Adama Traoré, un jeune homme noir de 24 ans mort en 2016 après son interpellation par des gendarmes, les gyrophares oranges des techniciens de la mairie ont remplacé les gyrophares bleus de la police. Sous le périphérique, des agents sont en intervention pour réparer la quasi totalité des feux de signalisation, et tout ce qui est cassé ou à l'arrêt à cause de l'incendie qui s'est produit mardi soir lors de la manifestation. 

"Ce matin, il y a des bouchons un peu partout avec des feux qui sont pétés. Il y a des poubelles et tout un tas de choses qui ont été brûlées ou bougées mais ça n'a pas été la furie qu'on a connu l'hiver dernier lors des manifestations des gilets jaunes", estime Guilhem, qui habite et travaille dans le quartier et dont l'épicerie a été épargnée. Ce n'est pas le cas de l'hôtel Ibis à côté dont les vitres de la façade ont été brisées. Le directeur, un peu dépité, n'a pas souhaité s'exprimer. Idem pour une agence immobilière et une concession de scooters.

Selon le maire du 17e arrondissement, "il y a eu une faille du ministère de l'Intérieur" et une "sous-estimation du nombre de manifestants". Geoffroy Boulard estime que les forces de l'ordre ne se sont pas déployées stratégiquement et que c'est pour cette raison que les commerces alentour ont pâti des débordements. "On s'est concentré sur la défense du tribunal, et on peut tout à fait le comprendre, avec des gendarmes mobiles très présents autour mais totalement absents ailleurs. Et ailleurs ce sont des habitations, des immeubles, des parcs", explique-t-il. "On a fait le choix, au moment de la dispersion qui s'est mal passée, de sacrifier les quartiers avoisinants", appuie Geoffroy Boulard.

"Une responsabilité pénale doit être engagée par les autorités vis-à-vis des organisateurs"

Débris de vélos et de trottinettes brûlées sur le sol, les rues avoisinant le tribunal portent encore les stigmates de la veille. C'est le décor dans lequel Karim prend son café en terrasse. "C'est désolant", lâche-t-il. "On peut manifester mais casser ne sert à rien. Au contraire, ça décrédibilise les victimes et leurs proches", estime-t-il. "Je préfère qu'on soit partie prenante pour une cause comme les violences policières mais sans commettre de violences. C'est pas ce qui va régler les choses."

Le maire du 17e arrondissement ne comprend pas pourquoi les forces de l'ordre ont "laissé s'installer sur et devant le parvis des attroupements de plus de dix personnes" alors que la manifestation avait été interdite par le préfet mardi matin. "Une responsabilité pénale doit être engagée par les autorités vis-à-vis des organisateurs", réclame-t-il aussi, rappelant que "braver une interdiction de manifestation interdite est puni par la loi et par six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende". Le comité Justice pour Adama avait décidé de maintenir le rassemblement malgré l'interdiction de la préfecture. Une nouvelle expertise réalisée à la demande la famille et révélée mardi pointe la responsabilité des gendarmes.

Il faut maintenant nettoyer les nombreux tags inscrits tout autour du Tribunal de Paris : "Pas de justice, pas de paix", "Black Lives Matter" (les vies des Noirs comptent), "Je ne peux plus respirer". Des messages connus, les mêmes qu'aux États-Unis, utilisés dans les manifestations à travers le pays survenues après le meurtre de George Floyd, un homme noir de 46 ans, par des policiers blancs le 25 mai dernier.