La première "salle de shoot" ouvre ses portes ce vendredi dans le 10e arrondissement de Paris. 10:00
  • Copié
O.G
La première "salle de shoot", qui ouvre vendredi ses portes dans le 10e arrondissement de Paris est très attendue par les associations de lutte contre la toxicomanie mais cristallise les tensions.

La première salle de consommation de drogue légalement autorisée en France ouvre ses portes ce vendredi, dans le 10e arrondissement de Paris. Autorisée par la loi de Santé votée en décembre dernier, ce lieu de 430 m2 sera ouvert pendant six ans, durée d'expérimentation prévue par la loi. Mais les avis sur l'ouverture de cette "salle de shoot" sont partagés. Au micro d'Europe 1, Jean-Pierre Couteron, thérapeute, président de la Fédération Addiction* et Etienne Apaire, ancien président de la mission interministérielle contre la drogue et la toxicomanie confrontent leurs points de vue sur cette "salle de consommation de drogue à moindre risque" (SCMR), selon l'appellation exacte

"Il manquait un lieu intermédiaire". Pour Jean-Pierre Couteron, ce lieu est bénéfique pour le personnel médical qui pourra plus aisément prendre en charge un public "en grande précarité qui s'injecte dans la rue, dans les entrées des immeubles, dans les parkings et pour lesquels une proposition de soins dans des lieux structurés n'est pas adéquate". Pour le président de la fédération Addiction, cette "salle de shoot" complète une palette de réponses : "Il manquait un lieu intermédiaire pour les usagers qui, dans la rue, utilisaient des seringues sans sécurité et avec une gêne pour le voisinage". Cette salle de consommation équipée de six box individuels est, selon lui, l'outil le plus adapté. D'après lui, l'ouverture d'un tel lieu peut aussi être un pas dans le "prendre soin de soi".

"On dit que si on facilite l'usage, les personnes vont consommer plus et moins aller vers le soin. On l'a testé pendant des années puisqu'on a rendu la vie des usagers compliquée en interdisant l'achat de seringues". Au contraire, selon Jean-Pierre Couteron, puisque ces lieux vont permettre de prendre en amont des personnes en grande difficulté.

"1,5 million d'euros dépensés pour une salle ouverte quelques heures". "C'est du Potemkine, c'est du beau débat mais derrière c'est la dépénalisation de toutes les drogues", répond Etienne Apaire qui fustige le million et demi d'euros dépensé pour une salle ouverte de 13h30 à 20h30, "que feront les usagers la nuit ? Où iront-ils ?", s'interroge t-il.

L'ancien président de la mission contre la drogue et la toxicomanie ironise sur l'ambiguité du lieu : "On ne peut pas prétendre éloigner les jeunes de la drogue et avaliser ce type d'endroit. Il y aura plus de consommation si on légalise ce genre d'endroits", avance-t-il, rappelant qu'à l'intérieur de la salle de shoot, la consommation de tabac sera interdite. "Quelle drôle de société", lâche Etienne Apaire. Selon lui, il n'est pas "innocent" que la ministre de la Santé, Marisol Touraine lance le débat sur la dépénalisation du cannabis à la suite de cette inauguration qui craint une "dépénalisation progressive".

Deux autres salles doivent ouvrir leurs portes prochainement à Strasbourg et Bordeaux.   

* Jean-Pierre Couteron est aussi l'auteur de Salle de shoot : les salles d’injections supervisées à l’heure du débat français (La Découverte, 2013).